Avez-vous déjà rencontré de gais réfugiés ?

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Trop peu de gens le savent : il existe une Commission homosexualité et droits humains au sein d’Amnesty Belgique. Cette commission réalise entre autres un travail de soutien aux demandeurs d’asile. Patricia Curzi nous en dit plus.

Au sein d’Amnesty, la reconnaissance de l’homosexualité en tant que facteur de violation des droits humains est le résultat de débats intenses menés tout au long des années 80… Depuis quand la cellule homosexualité et droits humains existe-t-elle ?

Amnesty international a vu le jour en 1961. Il a fallu attendre 1991 pour que soit inclus dans ses objectifs la défense des personnes emprisonnées en raison de leur homosexualité. Ensuite, en 1999, la Coordination homosexualité et droits humains a été mise sur pied. Des cellules de coordination existent maintenant dans plusieurs pays. Elles constituent un réseau international qui fait à la fois du lobbying en interne, la sensibilisation des membres d’Amnesty, et en externe, auprès de l’opinion publique. On peut être condamné à mort ou tabassé en raison de son orientation ou de son identité sexuelle. Il y a encore du chemin à faire pour que chacun en devienne conscient.

La plupart des groupes de travail d’Amnesty s’occupent des violations des droits humains se déroulant dans un autre pays que le leur. Travaillez-vous de la même façon au sein de votre commission ?

Oui, la Coordination homosexualité et droits humains fonctionne comme les autres structures d’Amnesty et la seule exception permettant de suivre des cas dans notre propre pays concerne les demandeurs d’asile. Nous intervenons sur demande, principalement d’avocats, pour fournir des informations générales sur les persécutions touchant les homosexuels dans les différents pays dont sont issus des demandeurs d’asile en Belgique. Notre travail consiste aussi parfois à expliquer à des demandeurs d’asile, ayant subi des persécutions en raison de leur orientation sexuelle, qu’ils peuvent en faire mention lors de leur demande de statut de réfugié. Beaucoup d’entre eux sont encore sous le coup de ce qu’ils ont vécu dans leur pays et ont tendance à taire les motifs véritables de leur exil par crainte de nouvelles persécutions. Il faut leur dire que l’homosexualité n’est pas poursuivie, qu’elle peut valoir devant le CGRA. On les sort ainsi de leur angoisse et leur dossier tient souvent mieux la route.

Il m’a été rapporté que le CGRA n’examine pas vraiment ces dossiers individuellement mais en fonction des pays dont sont issus les demandeurs.

Comme pour toutes les demandes de droit d’asile, il faut avoir de solides preuves pour être reconnu recevable ! Ce sont par exemple des examens médicaux. Ce genre de preuve est très importante. Paradoxalement, les pays qui pénalisent ouvertement l’homosexualité au travers de lois discriminatoires nous rendent service. Dans ces cas-là, le CGRA est bien forcé de reconnaître la probabilité de persécutions. Mais l’absence de ces lois discriminatoires ne signifie pas non plus que le traitement réservé aux homos est enviable.

Les discriminations sur base de l’orientation sexuelle ne sont pas formellement inscrites dans Convention de Genève ni dans d’autres conventions internationales. La prise en compte de l’orientation sexuelle par le CGRA n’est donc pas obligatoire ?

Il est tout de même dit clairement que toute personne a droit au respect de son intégrité physique. Une résolution brésilienne a été déposée dernièrement en ce sens pour la constitution de la Commission des droits de l’homme des Nations unies. Elle a été rejetée cette fois-ci mais sera sans doute redéposée.

Ce travail plus institutionnel fait aussi partie de votre mission ?

Il fait partie de la mission globale d’Amnesty : lutter pour que toute discrimination cesse que ce soit au point de vue de la prétendue race, de la croyance ou de l’orientation sexuelle.

Vous faites aussi un travail pédagogique dans les écoles ?

Au secrétariat national, deux personnes s’occupent des animations scolaires dans le cadre d’un programme de sensibilisation aux droits humains. Le plus souvent, il s’agit de soutenir un prisonnier en lui écrivant régulièrement ou de faire pression sur certaines institutions afin d’obtenir des changements législatifs. Mais, jusqu’à présent, nous n’avons pas encore été sollicités en ce qui concerne plus spécifiquement les droits humains liés à l’orientation sexuelle.

Dans quelle mesure votre travail recoupe-t-il celui les organisations gaies et lesbiennes ?

En matière de sensibilisation, nous travaillons très souvent avec des organisations gaies et lesbiennes. Nous collaborons sur les questions de violation des droits des personnes bisexuelles, gais, transgenre, etc. Par contre, Amnesty ne s’implique pas dans les revendications touchant certains aspects de l’égalité des droits : du droit au mariage, à l’adoption pour les couples homos.

J’imagine que les violences à l’égard de l’homosexualité féminine sont plus importantes qu’à l’égard de l’homosexualité masculine…

Oui, c’est vrai, les lesbiennes sont doublement, voire triplement discriminées : au point de vue du genre, de l’identité sexuelle et du militantisme. Une femme lesbienne et journaliste ou lesbienne et syndicaliste est souvent complètement seule dans ses combats. Beaucoup d’associations féministes ont toujours peur de relayer leurs revendications. Ces femmes s’exposent la plupart du temps à des représailles violentes, dans la rue ou au sein de leur famille. Elles osent rarement aller se plaindre à la police. En définitive, beaucoup de lesbiennes gardent le silence et se cachent…Dans le cadre de la “ campagne femmes ” d’Amnesty, nous tentons de parler de ce que vivent les lesbiennes, mais là aussi, il est assez difficile d’avoir leurs témoignages.

Avez-vous des statistiques concernant le nombre de personnes qui demandent l’asile sur base de persécutions liées à l’orientation sexuelle ?

Non, il n’existe aucunes statistiques concernant les raisons invoquées pour obtenir le statut de réfugié.

Si des personnes cherchent asile en Belgique cela signifie que la situation en Belgique est malgré tout meilleure que dans d’autre pays ?

On est moins discriminés en Europe. Dans un Etat de droit comme la Belgique, on est tout de même relativement protégés ! Mais la violence à l’encontre des homos persiste : dans les lieux de drague, les lieux de sortie, dans la rue…Le risque de se faire tabasser est toujours bien présent. En Suède, l’an dernier, lors de la Gay pride, des manifestants se sont fait tabasser. En Italie, l’ organisateur de la Gay pride a reçu des menaces de mort. En France, un jeune a été aspergé d’essence…En Belgique, un de nos amis a été récemment harcelé en rue : crachats et coups de pied…Différentes formes de discrimination dans des contextes professionnels continuent à exister…

Toute personne désirant plus d’informations ou voulant participer à des actions avec la Coordination homosexualité et droits humains peut envoyer un courriel à l’adresse suivante : coordhdh@aibf.be

 

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