Refus de vente sanctionné

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Les faits remontent à la fin de l’année 2000. Madame M., d’origine congolaise, décide d’acheter un appartement. Elle dispose de ressources financières stables.

 

Se voyant régulièrement opposer des refus discriminatoires par des bailleurs ou des représentants d’agences immobilières lorsqu’elle cherche un logement à prendre en location, Madame M. pense qu’elle ne rencontrera pas les mêmes obstacles dans le cadre de l’achat d’un bien immeuble. Elle considère en effet que, quels que soient les préjugés d’un propriétaire d’un tel bien, sa principale préoccupation est d’obtenir le prix de la vente car, une fois le bien cédé, il ne sera plus en contact avec l’acheteur.

Au mois de septembre 2000, Madame M prend connaissance d’une annonce relative à la vente d’un appartement sis à Woluwé. Intéressée par la description qui est faite du bien, elle tente à plusieurs reprises de contacter le gérant de la société immobilière qui finit par lui téléphoner. Rendez-vous est fixé pour la visite. L’appartement correspondant à ses goûts, Madame M informe très rapidement le gérant de sa volonté de mettre une option d’achat ; option que son interlocuteur accepte oralement. Elle lui demande qu’il lui communique des documents d’information (plan de l’appartement, montant du revenu cadastral,…). Avant qu’elle ait pu lui faire part d’une offre de prix, le gérant l’interrompt pour lui dire que, si elle ne peut payer cash le prix qu’il lui a annoncé lors de la visite, elle ne peut espérer acheter le bien.

Le gérant ne lui transmettra jamais les documents demandés.

Madame M a une amie dont le père est propriétaire d’un appartement situé dans le même immeuble.Elle demande à cette amie de bien vouloir visiter le bien en se présentant comme une candidate à son achat, notamment pour s’assurer que le montant demandé est raisonnable au regard de la configuration des autres appartements de l’immeuble.

Lors de cette visite, le gérant explique à l’amie de Madame M que, le propriétaire étant pressé de vendre son bien, est favorable à une offre à la baisse. Il ajoute qu’une dame d’origine africaine s’est déjà montrée intéressée par l’achat de l’appartement mais qu’il ne le lui vendra pas car il refuse de « vendre à des Noirs. »

Madame M. dépose plainte avec constitution de partie civile pour infraction à la loi contre le racisme (art. 2 loi du 30 juillet 1981). Son amie témoigne des propos tenus par le gérant qui confirme sa vision de la« mentalité africaine » lors de l’interrogatoire qui sera fait ensuite par la police.

Le MRAX se constitue également partie civile dans ce dossier

Le 31 mars 2004, soit plus de trois ans après les faits, le tribunal correctionnel de Bruxelles a prononcé sa décision dans cette affaire.

Après avoir émis certaines considérations quant à l’admission comme mode de preuve d’un test de situation qu’il présente comme un test de provocation et estimé que ni la levée par Madame M de l’option d’achat ni la demande de documents complémentaires ne sont établies, le juge s’est basé sur les déclarations faites par le prévenu à la police pour estimer que la prévention d’infraction à l’article 2 de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie était établie.

Vu notamment l’absence d’antécédent judiciaires du prévenu et les excuses qu’il a présentées à Madame M à l’audience, il bénéficie durant trois ans de la suspension simple du prononcé de la condamnation.

Il est en outre tenu de payer une indemnité pour préjudice moral de 500 euros(majorés des intérêts judiciaires) à Madame Met et un euro au MRAX.

Des décisions rendues pour de telles discriminations sont suffisamment rares que pour ne pas citer celle-ci.

Le MRAX peut s’estimer satisfait de la décision intervenue et remercie Maître Isabelle De Viron de l’avoir représentée dans ce dossier.

Outre l’aspect pénal de cette affaire, elle met en exergue la nécessité, d’une part, de continuer à informer les candidats locataires ou à l’achat de leurs droits et des outils permettant de les faire valoir et, d’autre part, de sensibiliser les propriétaires et agents immobiliers qui, derrière la poursuite d’intérêts économiques légitimes, contribuent à semer le parcours de candidats à un logements d’obstacles difficilement surmontables.

 

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