Pas convaincu de l’importance du délit de sale gueule ?

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Pour ceux qui pensent que le délit de sale gueule n’arrive qu’à ceux qui le cherche (comportement agressif, état d’ébriété…), voici un témoignage qui vous fera réviser votre jugement

 

 » Je vous écris cette lettre pour vous faire part d’une aventure malheureuse qui m’est arrivé en compagnie d’un groupe de jeunes âgés de 16 à 18 ans. Cette histoire ne touche pas à un événement de l’actualité pressante mais elle est caractéristique de fait de société bien détestable.

Laissez moi d’abord nous présenter : nous sommes un groupe d’aspirants chefs scouts et notre année se base donc sur la formation de jeunes au rôle de chef. Cela implique un apprentissage à la responsabilité, à la gestion d’un groupe, à l’écoute et au respect de chacun dans ses différences. Pour guider cette année, nous avions comme projet de nous rendre en Roumanie Moldave dans un orphelinat qui compte 240 enfants, afin d’animer leurs vacances et de bâtir une plaine de jeux.

Pour financer notre voyage nous avions prévu de réaliser une soirée dansante afin aussi de donner un point d’orgue festif à notre année. Autant vous dire que ce qui aurait dû être une fête a vite été teinté de psychose.

Pour notre fête nous avions situé un lieu situé dans l’agglomération bruxelloise. La première rencontre avec le gestionnaire fut très agréable, nous pensions être tombé sur quelqu’un de respectable. Une des conditions à la location était que nous usions de leur service de sécurité pour la soirée.

Une soirée ne s’improvise pas, après 2-3 mois de préparatifs arrive enfin le grand jour. Je rencontre alors le responsable de la sécurité . Je lui fais alors comprendre que je ne désire aucune ségrégation ni sur la couleur de peau ni sur l’habillement et j’imaginais qu’ils feraient leur travail dans le respect de nos invités. La soirée fut alors une suite d’évènements détestables plus proche du quotidien d’une prison que de l’image que je me fais d’une ambiance festive.

Je vais ici vous conter les évènements qui ont concerné les personnes qui m’étaient proches mais je pense que la majorité des personnes présentes ont eu leur soirée troublée tant le service d’ordre était oppressant.

J’étais déjà assez surpris au début de leur agressivité verbale et de leur stress face à des jeunes pacifiques et doux habillé comme « des gens biens ». A croire que nous attendions la visite de George W ou de Jean-Paul.

Environ 1 heure après l’ouverture des portes, un de mes aspis vient me trouver car les sorteurs interdisent l’accès à 6 de ses amis qui avaient pourtant payé leurs préventes. Je vais donc m’enquérir auprès du responsable des sorteurs des raisons qui leur font interdire l’accès. Il m’explique que leur habillement, leur « manière d’être » ne correspond pas à la clientèle souhaitée par le gestionnaire du lieu. Etant dans une soirée privée, je me demandais si c’était moi ou eux qui organisaient cette soirée. Il me dit aussi qu’on l’avait prévenu d’un public scout et pas de « voyous ».

J’aurais dû prévenir que les gens ne viendraient pas en short avec l’uniforme et le chapeau en chantant youkaidi youkaida, et que oui il existe des scouts vêtus de training et au teint basané. C’est une découverte, nous ne sommes pas tous vêtus de chemises à carreaux et de pantalons en velours côtelé ! Après une rude négociation où j’usai de diplomatie et de douceur, j’obtiens que nos invités puissent entrer à la condition que je me porte garant de leur comportement. Je dus donc les faire passer un à un devant moi à l’entrée pour collecter leur nom et remettre la feuille signée aux sorteurs. Je me sentais gêné de faire subir un tel traitement stigmatisant à ces jeunes absolument pas dangereux que je connaissais depuis longtemps. Je garantissais ainsi leur label de qualité comme pour des bœufs et des moutons qu’on emmène à l’abattoir.

Un autre événement suscita mon étonnement. Un disc-jockey de mes amis était venu bénévolement soutenir notre projet en animant notre soirée. Il lui prend l’envie de passer un morceau de rap, musique tant appréciée à Rhode-Saint-Genèse qu’à Saint Josse, et voilà qu’un sorteur lui arrache son casque des oreilles pour lui intimer l’ordre d’arrêter ce morceau car il peut rendre agressif (?). Si ce monsieur va voir une exposition de peinture et qu’une œuvre lui paraît agressive, se permet-il de l’arracher pour en faire du petit bois ? Je me suis senti gêné face à cet ami mais il aurait du savoir que ce n’est pas parce qu’il venait aider un projet social qu’il pouvait se permettre de fouler le 11e commandement de Dieu « De rap jamais tu ne diffuseras ! ».

Vers 2h30 un groupe d’amis d’une école de tourisme arrive enfin car je les attendais pour mettre de l’ambiance. Ces amis sont bien sûr des spécialistes de la fête bon enfant caractéristique des vacances. Ils sont arrivés à une trentaine dont la majorité munie de préventes. Certains ne purent rentrer car ils étaient soit imposants et coiffés de rastas soit basanés et vêtus d’un t-shirt de foot. Aucune discussion ne fut possible. Par solidarité tout le groupe s’en alla, par amitié je leur remboursai leurs préventes. Une remarque en passant, il serait temps pour songer à leur « respectabilité » de vêtir notre équipe nationale de foot de costumes trois pièces avec leur numéro inscrit dans le dos du veston. J’étais d’autant plus gêné que je m’étais rendus la semaine précédente à une soirée de leur école où l’ambiance était fort sympathique avec un public hétéroclite et avec des sorteurs diplomates et aimables.

(…)

En fin de soirée je comptais aller voir le gérant de cette salle et j’espérais pouvoir lui faire part de mes critiques vis-à-vis du service d’ordre. C’est là que j’ai été vraiment écœuré par la logique qui prévalait à cette politique ultra répressive. La raison première était que comme c’était des gens de sa société qui géraient le bar et qu’il jugeait que les bénéfices n’étaient pas suffisants (nos jeunes consomment heureusement moins d’alcool qu le public habituel), il s’est permis de casser l’ambiance de notre soirée. Il parlait également de prestige et d’image de marque pour sa salle car le public ne lui convenait pas. Mais c’était une soirée privée alors qui a perdu sa crédibilité et sa réputation ? Lui ou moi qui ne pouvait garantir l’entrée de nos amis à notre propre soirée ? Il me dit aussi que je lui avait parlé d’un public scout. Pourtant un de mes scouts modèles qui est quelqu’un de très sensé et réfléchi, qui s’est investi sans compter dans ce projet et auquel nous comptons confier l’année prochaine la responsabilité de la trentaine de jeunes dont nous animons bénévolement les temps libres ; et bien ce scout a eu les pires difficultés à faire rentrer ses amis car comme lui ils avaient commis « le crime » d’aimer le hip-hop et d’en porter l’habillement.

Monsieur, si votre religion est celle du commerce ce que je ne peux comprendre, sachez que par votre ingérence vous avez foulé le contrat qui nous liait. Je vous le fait remarquer puisque c’est la seule chose qui doit vous émouvoir. Sachez aussi qu’à posteriori j’en veux moins à votre service d’ordre car ils font le boulot suivant vos desiderata et qu’ils n’ont peut être pas d’autre choix pour vivre . Ils doivent sans doute faire subir aux autres ce qu’ils ont dû subir étant jeunes car pour vous faire bien voir du centre pour l‘égalité des chances (dixit vous même) le service d’ordre engagé est à majorité d’origine étrangère.

Une dernière remarque pour clôturer cette longue lettre, il a fallu attendre de grandes catastrophes dans nos stades de football pour se rendre compte que des stewards diplomates faisaient généralement du meilleur boulot pour prévenir la violence que des forces de police. Attendrez vous qu’une bagarre générale oppose vos hommes aux invités d’une soirée, ce qui mettrait un terme à votre activité commerciale avant de revoir votre politique ? »

 

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