« Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas » disait André Malraux. On pourrait disserter à foison sur la portée de cette formule lapidaire. Ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui la question de la place du fait religieux dans nos sociétés est posée de manière récurrente. Vecteur d’aliénation insupportable pour certains, cheminement spirituel bénéfique pour d’autres, les avis peuvent diverger fortement sur l’apport de la religion. De prime abord, il est intellectuellement stimulant d’assister à un échange d’idées entre savants d’une religion et érudits de la critique des religions. Le problème c’est que ce débat qui devrait être serein dans une société sécularisée comme la nôtre est trop souvent détourné en raison de bien peu avouables desseins. En effet, il se trouve parmi les détracteurs des religions, en fait souvent d’une seule religion, des individus occultant leur xénophobie derrière le masque de l’aversion religieuse. Attention, à ce stade, il est essentiel de rappeler deux évidences afin d’éviter les incompréhensions funestes voire les procès d’intention simplistes. Tout d’abord, toute personne critiquant une religion ne peut être considérée en raison de simple fait comme raciste. Ensuite, le droit de critiquer la religion est inaliénable à l’instar d’autres droits fondamentaux qu’il nous faut absolument préserver. Il n’empêche qu’aujourd’hui, certains racistes se réfèrent à ce droit fondamental pour diffuser leur haine non pas seulement de la religion mais aussi et surtout des croyants.
L’actualité récente est particulièrement illustrative. Dans une émission de télévision française, une ancienne Ministre de Nicolas Sarkozy, a fait de manière fort peu subtile le lien entre la défense de la « race blanche » et la lutte contre l’islam. Nadine Morano a tenu les propos suivants : « Pour qu’il y ait une cohésion nationale, il faut garder un équilibre dans le pays, c’est-à-dire sa majorité culturelle. Nous sommes un pays judéo-chrétien – le général de Gaulle le disait –, de race blanche, qui accueille des personnes étrangères. J’ai envie que la France reste la France. Je n’ai pas envie que la France devienne musulmane. 1». Les thèses racialistes ayant démontré dans l’Histoire qu’elles étaient ineptes sur le plan scientifique et génocidaires au niveau de leur mise en application politique, ceux qui promeuvent le rejet de l’autre doivent recourir à un argumentaire renouvelé en vue de susciter l’adhésion à leurs discours haineux. Si l’islam suscite souvent une certaine hystérie collective du simple fait d’évoquer dans le débat public certains de ses rites, la critique de la religion peut également servir de prétexte pour s’en prendre à d’autres croyants. Ainsi, un proche d’Alain Soral, antisémite notoire, lui a expressément recommandé de ne pas viser les juifs en tant que personnes mais bien leur religion : « Nous combattons la religion juive (son idéologie et son projet) et non pas les hypothétiques “Juifs” qui n’existent pas. A mon avis il faut être extrêmement précis sur les termes qu’on utilise. Antisémitisme devrait être banni de notre vocabulaire car ça ne veut rien dire. Ou en tout cas, ça ne veut rien dire d’autre que “judéophobie” car juif est une religion. Or la critique d’une religion n’est pas illégale. Donc on devrait utiliser judéophobe ou, pour adoucir, judéocritique.2 ».
Le vocabulaire utilisé pour faire référence à certaines formes de xénophobie est souvent questionné. Le terme islamophobie est contesté par certaines personnes qui y voient un choix sémantique orienté pour réduire les possibilités de critiquer la religion. Certes, le terme musulmanophobie aurait peut-être eu l’avantage d’une plus grande précision conceptuelle mais il est avéré que c’est le mot islamophobie qui aujourd’hui s’est mondialement imposé tant au niveau académique que médiatique ou politique. Il s’agit d’une convention communément admise bien que sémantiquement critiquable à l’instar de l’antisémitisme qui désigne le racisme anti-juif alors que tous les sémites ne sont pas juifs. Pour certains le concept même de racisme doit être remis en question puisque la grande majorité des gens aujourd’hui considèrent avec raison que les races biologiques n’existent.
Au MRAX, nous mobilisons des militants de diverses religions ou convictions philosophiques en vue de rendre plus concrète au sein de notre société, l’égalité réelle de droits de l’ensemble des citoyens. Nous sommes viscéralement attachés à la liberté d’émettre une opinion critique vis à vis d’une ou plusieurs religions ou de tout autre sujet d’actualité. Mais nous sommes pleinement convaincus du fait que le racisme n’est pas une opinion mais un délit et qu’il est essentiel que la législation antiraciste doit s’appliquer de manière pour éviter que l’on discrimine ou que l’on propage la haine d’individus essentialisés en raison de leur croyance réelle ou supposée voire de leur non croyance.
Carlos Crespo
Président du MRAX
1http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/09/27/nadine-morano-evoque-la-race-blanche-de-la-france_4773927_823448.html
2http://www.streetpress.com/sujet/1440775955-documents-sur-le-systeme-soral