Sans-papiers d’aujourd’hui, demandeurs d’asile d’hier

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La Coordination des Sans-papiers de Belgique est solidaire avec les réfugiés du parc Maximilien et se réjouit sans réserve du soutien et de la solidarité dont fait preuve une majorité de nos amis du peuple belge.

Comme eux nous nourrissons l’espoir que ces hommes, femmes, enfants, fuyant les conflits meurtriers qui ont bouleversé et détruit leur quotidien, obtiendront la protection des autorités belges et accéderont au statut légal de réfugié ou bénéficieront de la protection subsidiaire. Dans un monde juste, toutes ces personnes auraient accès à ce sésame, ce droit à la dignité, mais, la réalité en est tout autre.

Des voix se font déjà entendre pour dénigrer ceux et celles qui seraient des réfugiés économiques, pour créer deux catégories, les bons réfugiés politiques, opposés aux mauvais réfugiés économiques. Pour déjà justifier les futures décisions négatives.

Condamnés à la clandestinité

En 2014, 17 213 personnes ont demandé la protection des autorités belges et seulement 47% de ces demandes ont connus une issue favorable. Les autres, 53%, ont été abandonnés à leur sort.

La Coordination des sans-papiers de Belgique compte parmi ses membres plusieurs anciens demandeurs d’asile qui se sont vus fermer les portes du CGRA, condamnés à la clandestinité, à une vie précaire dans des occupations, sans travail, sans perspective d’avenir.

Depuis la Convention de Genève de 1951, la Belgique a pris l’engagement de protéger les réfugiés se trouvant sur son territoire. Ainsi, il y a quelques jours le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, dont les positions sont souvent fermées quand il s’agit de l’immigration, a fini par reconnaître le devoir de la Belgique dans l’accueil de ces réfugiés.

La situation actuelle a démontré que les discours anti-migrants n’ont pas entaillé la générosité du peuple belge et a le mérite de mettre en lumière les failles de la politique migratoire belge et, d’une manière plus large de la politique migratoire européenne.

Les « bons » et les « mauvais »?

Nous dénonçons cette politique migratoire inefficace, injuste et inhumaine, qui vise à diviser les « bons » réfugiés politiques et les « mauvais migrants » économiques. Quel économiste sérieux oserait prétendre que l’économie d’un pays n’est pas directement liée à sa politique?

Nul ne pourrait nier que, aujourd’hui, la politique migratoire se nourrit de la peur de l’autre, pour prendre des décisions qui nient à ces hommes, ces femmes et ces enfants leur vécu, leur histoire, leur blessure. Le sentiment de méfiance vis-à-vis de ces hommes, femmes et enfants, en quête d’une vie meilleure, renforcé par la triste mais célèbre phrase  » nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde […] « , permettra d’exclure beaucoup d’entre eux parce qu’un  » seuil de tolérance  » serait atteint. Et cela, sans prise en compte réelle des craintes ayant guidé leur fuite.

Pourtant, ils viennent tous de pays traversant des crises, que ce soit une guerre, une dictature, une épidémie ou une catastrophe naturelle, ayant entraîné de grands déplacements : Syrie, Afghanistan, Irak, Guinée, Erythrée, République Démocratique du Congo…

Mais cela ne suffit pas. Aux yeux du CGRA, il faut avant tout être « crédible » et « cohérent ». La chasse aux menteurs est ouverte, il faudra prouver les persécutions, démontrer la crainte, faire un récit sans faille. La moindre erreur peut être fatale et les portes se refermeront. Au sens propre comme au sens figuré. Les portes seront parfois celles d’un centre fermé.

Pour l’instant une vingtaine d’Irakiens croupissent dans les centres fermés dans l’attente d’une expulsion. Étaient-ils moins touchants, moins sympathiques, moins en danger que ceux du parc Maximilien?

Respecter la dignité

Les sans-papiers le savent, c’est tout bêtement une question de chance…

Nous dénonçons aujourd’hui, l’ensemble de cette politique migratoire. La fermeture de centres d’accueil, guidée par le postulat erroné de l’arrêt de l’immigration, pour ensuite en rouvrir dans l’urgence. Le discours sur les mauvais réfugiés économiques. Les méthodes du CGRA pour soi-disant reconnaître les « vrais » des « faux ». La détention en centres fermés de ceux et celles qui ont tout risqué pour trouver une vie digne. Les expulsions vers la guerre et le désespoir.

C’est l’ensemble de ce système politique tourné vers la multiplication de dispositifs sécuritaires et de contrôle qu’il faut repenser pour en trouver un nouveau, respectueux de la dignité de tous.

Selma Benkhelifa, administratrice au MRAX;

Nicha Mbuli,  juriste au MRAX.

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