Le 60e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, devenu symbole de l’entreprise génocidaire nazie, est l’occasion pour le Mrax de se plonger avec respect et mémoire dans ses propres racines. C’est de cette Histoire de l’humanité, en effet, qu’est née l’histoire de notre mouvement… grâce au militantisme de résistants, de communistes juifs et des progressistes de tous horizons. Comment, en tant que citoyens, profiter de ce douloureux anniversaire ? Par un travail de mémoire, de notre mémoire individuelle et collective.
La vaccination démocratique, qui a besoin de « rappels », s’opère notamment par l’avertissement de ce qu’a donné, dans des époques pas tellement éloignées, le refuge dans la peur et la haine. Aussi, rappelons nous… par exemple, la justesse de Primo Levi : « il est tout à fait exact que le goulag a existé avant Auschwitz ; mais on ne peut pas oublier que les buts des deux enfers n’étaient pas les mêmes. Le premier était un massacre parmi d’autres massacres, il ne se fondait pas sur un primat racial, il ne divisait pas l’humanité en surhommes et sous-hommes. Le second reposait sur une idéologie imprégnée de racisme. Si elle avait prévalu, nous nous trouverions aujourd’hui dans un monde coupé en deux : « nous » les seigneurs d’un côté, et par ailleurs les autres à leur service ou exterminés parce que racialement inférieurs. Ce mépris de l’égalité fondamentale des droits de tous les êtres humains transparaît dans une foule de détails symboliques, du tatouage à Auschwitz à l’utilisation, dans les chambres à gaz précisément, du poison originairement produit pour dératiser les cales des navires ».
A Auschwitz, l’humanité même a été niée, lorsque des personnes appartenant à un peuple, à une communauté, à une histoire furent traitées comme des citoyen(ne)s de nulle part, leur appartenance commune à l’espèce humaine n’étant plus.
Soixante ans plus tard, plus que jamais, les questions lancinantes d’Auschwitz nous obligent à une vigilance de tous les instants, car nous ne sommes pas à l’abri. Car la démocratie et les droits de l’Homme, il faut le rappeler, sont friables. Car, nous le savons désormais, « la culture et la civilisation » ne mettent pas à l’abri de la barbarie. Cette barbarie qui nous traverse tou-te-s à des degrés divers et qui peut, sans qu’on n’y prenne garde, nous envahir. L’une des stupeurs du nazisme, c’est qu’il fut produit par des « fonctionnaires » s’appliquant à exécuter scrupuleusement leur travail. Ce furent des hommes ordinaires, non des monstres. Rappelons nous Hannah Arend, et « la banalisation du mal ».
Aujourd’hui, le racisme, dont l’antisémitisme, se maquillent d’autres arguments, mais sont toujours au cœur de certains discours, de certaines pratiques qui peuvent dériver, sans qu’on s’en aperçoive, vers l’exclusion de certains groupes de notre humanité commune.
Si la « solution finale » visait de manière radicale l’extermination sur une base raciale, il ne faut jamais oublier que le racisme porte en germe et à terme l’élimination de tout ce qui est décrété hors norme. Il en fut ainsi des juifs, des tziganes, des gays et lesbiennes, des malades mentaux. A l’horizon, la tentation est celle de créer le mythe d’un être humain supérieur standard et conforme. Et paradoxalement, rappelons-nous que les juifs d’Allemagne, par exemple, étaient des juifs « intégrés » et qu’ils n’échappèrent guère à cette affabulation d’être différents et donc dangereux. Quand un Etat, un groupe social a besoin, pour asseoir son pouvoir, de bouc émissaire, il érige la différence comme un danger pour pouvoir l’éliminer. Il offre ainsi à la vindicte populaire, un ennemi de l’intérieur, porteur des maux sociaux qu’on ne parvient pas à résoudre autrement.
Dans une période de crise sociale telle qu’elle se développe aujourd’hui, il faut plus que jamais analyser les réels problèmes sociaux et économiques dans notre pays et dans notre planète (le village global). Les caricatures explicatives du bien et du mal, qu’elles soient proférées par des dirigeants tels que Bush ou par des extrémistes et intégristes de tous bords, n’ont qu’un seul objectif : brouiller la compréhension des enjeux sociaux d’aujourd’hui.
Le Mrax doit continuer, à son niveau, à agir contre tous les actes et signaux avant-coureurs de dérives racistes et discriminatoires et continuer à se solidariser avec les forces progressistes qui oeuvrent pour de vraies alternatives. Alternatives qui aujourd’hui ne peuvent se définir de façon simpliste.
Enfin, le temps passe… cela a pour conséquence que les événements s’empreignent, inexorablement, d’une certaine banalisation historique. A cela s’ajoute – et c’est tout aussi alarmant – un fait matériel, naturel et irréversible : la disparition progressive des témoins. Comment réagir et anticiper, pour que la mémoire survive aux témoins ? En apportant son appui à cette transmission de la mémoire, assurément. Le Mrax devra y contribuer. Notre association possède cette particularité, grâce à son ancienneté et à la diversité de ses membres, de constituer un carrefour non seulement entre cultures, mais également entre générations. Nous remercions les « anciens » de continuer à bien vouloir nous accompagner dans ce travail de mémoire, et encourageons les « nouvelles générations » à se révéler, comme eux, capables de garder notre combat antiraciste vivace, pour, plus tard, faire passer le témoin à leur tour.