2019, vers une politique antiraciste, vers un antiracisme politique ?

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La séquence politique qui s’ouvre doit retenir toute l’attention des démocrates. Après quatre ans et demi où la populiste N-VA était hégémonique dans le gouvernement fédéral, le temps est peut-être venu pour des formations politiques traditionnelles – en particulier celles qui se sont laissé entrainer dans la surenchère sécuritaire et identitaire – de jouer l’apaisement sur les questions liées à l’immigration et au vivre ensemble. On peut espérer que la différence soit désormais plus marquée entre les partis tirant leur raison de vivre des tensions identitaires et ceux qui entendent œuvrer au respect de l’intérêt général. Cette séquence politique pourrait être mise à profit pour essayer de favoriser la résorption du fossé entre les grands principes démocratiques dont notre pays se revendique et leur application réelle, à l’heure où l’une de nos figures politiques nationales ambitionne justement de prendre la tête du Conseil de l’Europe. Bien sûr, l’espoir de voir émerger un consensus sur des politiques antiracistes doit malheureusement être relativisé même après le départ de la N-VA de l’exécutif. En effet, cette dernière ne se privera pas de tout faire pour donner le tempo de la campagne électorale qui se profile déjà à l’horizon et des thèmes qui y seront mis en avant. Sachant que les préjugés des électeurs peuvent offrir une rente électorale conséquente à celui qui n’hésitera pas à les reprendre à son compte, il n’y a pas de quoi être rassuré.

De manière générale, le contexte politique dans notre continent est particulièrement délétère en cette année électorale au niveau européen. L’extrême-droite et la droite extrême surfent sur la vague du « trumpisme », les recettes qui ont fait le succès du président américain étant exploitées sans aucun complexe. On n’en a pas encore fini avec le recours au populisme, à la xénophobie et à la désinformation sur des réseaux sociaux surinvestis pour s’assurer des adhésions et des soutiens nécessaires aux succès électoraux. Les antiracistes devront être particulièrement combatifs avec ceux qui construisent leur notoriété sur le rejet d’une partie de leurs concitoyens et exigeants avec ceux qui entendent convaincre autour d’un projet mobilisateur et inclusif.

Il ne s’agit, en effet, de ne pas trop en attendre des partis en campagne, même les plus sensibilisés à la cause antiraciste, pour faire avancer de manière significative cette cause. Il est essentiel de renforcer préalablement le mouvement antiraciste au sein de la société. En tant qu’association historique, le MRAX a un rôle moteur à jouer pour favoriser l’émergence d’un antiracisme politique. L’antiracisme moral, auquel on se réfère de manière ponctuelle pour se scandaliser de tel ou tel acte ou propos crapuleux ou même parfois pour simplement se donner bonne conscience, ne sera jamais suffisamment percutant ou vivace pour mettre à mal les discriminations structurelles portant atteinte au principe d’égalité entre les citoyens. L’enjeu de la lutte n’est pas de « moraliser » le débat et encore moins de fonder un quelconque espoir sur la transcendance d’une supériorité morale des « gentils » antiracistes contre les « méchants » racistes ; c’est au cœur même de l’organisation sociale et matérielle de la société – et donc au racisme le plus banalement ordinaire – qu’il faut s’attaquer. Il s’agit donc bien de construire le rapport de force nécessaire pour transformer durablement la société et faire de la Belgique une démocratie pleinement aboutie. Cet objectif ne sera atteint que lorsque l’antiracisme politique aura définitivement remporté son combat pour l’égalité réelle. On ne parlera plus alors des « gentils » antiracistes et des « méchants » racistes mais bien de citoyens égaux en droits et en devoirs aux yeux des institutions. Il s’agit moins de faire aimer l’autre parce qu’il serait différent que de lui rendre justice en tant que semblable.

En espérant, malgré tout, qu’elle nous rapprochera davantage de politique antiraciste et d’antiracisme politique, je vous souhaite une bonne année 2019.

Carlos Crespo, Président du MRAX

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