Un climat délétère qui favorise la détestation de l’Autre

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Ce lundi 2 juillet, une jeune fille d’Anderlues s’est faite sauvagement agressée parce qu’elle était femme, musulmane et issue de l’immigration. Trois caractéristiques qui ont paru, visiblement, insupportables à contempler pour les deux hommes qui s’en sont pris à elle de manière particulièrement ignominieuse. Ce soir-là, la vie d’une personne a basculé en quelques instants parce qu’elle s’était retrouvée sur le chemin de deux racistes haineux qui se sont transformés pour l’occasion en d’ignobles bourreaux. De manière totalement gratuite, il semble que la victime ait été insultée, violentée, dénudée et mutilée. Le duo criminel n’a, à ce stade, pas été interpellé.

Bien sûr, il appartiendra à la justice d’établir les faits et de déterminer les sanctions pour leurs auteurs, une fois que ceux-ci auront été appréhendés, mais beaucoup de choses interpellent d’ores et déjà dans cette affaire.

Tout d’abord, les formes particulièrement crapuleuses que peut prendre parfois la violence faite aux femmes dans notre société. Ensuite, la manière dont les préjugés xénophobes nourrissant la haine de l’autre peuvent parfois susciter un passage à l’acte violent. Enfin, on ne peut qu’être surpris du manque de réactions politiques face à cet acte barbare. On aurait pu s’attendre à voir de nombreux dirigeants exprimer leur sympathie pour la victime et ses proches, voire fustiger les auteurs. Certains s’en défendront en disant que les responsables politiques d’une certaine envergure n’ont pas à commenter ce qu’ils pourraient qualifier de faits divers. Pourtant, sous réserve des développements ultérieurs de l’enquête, on peut faire l’hypothèse que cet acte odieux n’est pas sans lien avec le climat délétère qui s’installe en Belgique et au-delà.

La détestation de l’Autre, celui qui est supposé être différent, justifie de plus en plus d’atteindre à sa dignité, de nier son humanité, voire d’attenter à son intégrité. L’exacerbation hystérique des questions liées aux croyances religieuses ou aux pratiques cultuelles des musulmans a conditionné et continue de conditionner leur perception par l’opinion publique. Les polémiques multiples, lancées par certains faiseurs d’opinions, sur des sujets parfois anodins comme la labellisation « halal » de certains biens de consommation ont répandue l’idée d’un « problème » musulman qui mettrait à mal jusqu’aux fondements même de notre société démocratique. Les peurs d’une partie de la population sont devenues une rente électorale qui peut aujourd’hui apporter énormément à quiconque veut les instrumentaliser parfois en allant même jusqu’à dévoyer les principes fondateurs d’un Etat de droit. Les belges musulmans ont d’ailleurs de quoi s’inquiéter en sachant que l’homme qui est supposé être le garant de leur sécurité en sa qualité de Ministre de l’Intérieur n’a pas hésité à faire le buzz en les jetant en pâture à leurs concitoyens, sous le choc au lendemain des attentats du 22 mars, en faisant d’eux des « danseurs » imaginaires ! Si l’islamophobie peut rapporter électoralement, la migrantophobie depuis la mal-nommée crise de l’accueil de 2015 peut permettre facilement à n’importe quel aventurier politique de s’ériger en protecteur courageux de notre identité face à toutes les prétendues invasions. C’est le cas de Théo Franken dans notre pays, de Salvini en Italie, de Kurz en Autriche ou d’Orban en Hongrie. Ainsi, aux yeux de certains, ceux qui foulent le plus aux pieds les valeurs civilisationnelles qu’ils prétendent bruyamment défendre, seraient des « résistants », par opposition à ceux qui en restant attachés aux principes basiques d’humanisme et de solidarité deviendraient des « collabos », une bien paradoxale évolution sémantique…

S’il y a bien un grand remplacement qui est à l’œuvre, il n’est pas celui qui a été fantasmé dans les officines d’extrême-droite. Nous assistons toutefois, notamment en Europe, à la substitution par le biais de scrutins électoraux conditionnés par la peur de l’Autre, de dirigeants démocrates, humanistes, libéraux, universalistes par des autocrates, xénophobes, illibéraux, nationalistes. Cette tendance lourde doit être combattue vigoureusement par tous les militants pour l’égalité réelle, en Belgique comme ailleurs.

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