Sommet UE Roms : Grandes promesses mais timides propositions…

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Le premier Sommet européen pour les Roms s’est tenu ce mardi 16 septembre à Bruxelles. Face aux problèmes vécus par la communauté rom, « victime du pire cas de discrimination collective dans l’Union Européenne » (formule de George Soros, président de l’Open Society Institue), les dirigeants européens se sont livrés à de timides propositions sur fond de grandes promesses. L’absence remarquée de Bernard Kouchner, invité à discourir, n’aura pas éclipsé l’absence, certes moins marquée, des décideurs de notre pays.

Erdem Resne

Lorsque le président de la Commission Jose Manuel Barroso a entamé son discours, des T-Shirts prônant l’arrêt du fichage ethnique en Italie étaient arborés dans les quatre coins de l’auditoire. Un message que Barroso a dit soutenir, malgré la décision de la Commission qui a avalisé la semaine dernière les politiques du gouvernement Berlusconi envers les Roms. Climat d’ambiguïté qui était sans doute un des facteurs ayant poussé Barroso à quitter l’audience immédiatement après son discours. Le président de la Commission a néanmoins affirmé qu’il analyserait personnellement les conclusions du Sommet dans l’optique du prochain Conseil Européen de décembre. L’ambiguïté face au cas italien s’est également manifestée plus tard dans l’après-midi ; suite aux critiques successives des interlocuteurs, le Roumain Minhea Constantinescu, président du second panel de discussions, a cru bon de rappeler « qu’il ne servait à rien de blâmer un seul état membre et qu’il fallait chercher des solutions communes », une manière politiquement correcte d’entretenir « les excellents rapports de collaboration entre la Roumanie et l’Italie. »

Si les constats de discrimination des Roms ont été suffisamment mis en exergue, peu de propositions concrètes ont été formulées. De Jose Manuel Barroso à Christine Boutin en passant par George Soros, tous les intervenants ont répété la nécessité d’intégrer les Roms dans les circuits de l’enseignement, de l’emploi et du logement. Face à l’éternel retour du même, le coup de gueule est venu de Rudko Kawczinski, président du Forum Européen des Roms et des Gens du Voyage : « tout ceci est symptomatique de l’histoire des Roms. Cela fait 800 ans que nous vivons en Europe et on parle de nous intégrer ! Je n’ai pas entendu une seule solution à part intégration et école. Comment nos enfants iraient-ils à l’école s’ils sont exclus et qu’ils doivent marcher pieds nus ? Depuis des années des fonds sont débloqués et des rapports sont rédigés, pour finalement n’aboutir qu’à un panel. »

Le seul projet concret ou exemple positif a été formulé par Andor Ürmös, directeur du département hongrois pour l’Intégration des Roms. Celui-ci a expliqué qu’en Hongrie, tous les fonds européens étaient distribués aux porteurs de projet en tenant compte de la réalité rom : « même pour la rénovation d’une école, nous conditionnons l’octroi du subside à l’existence de mesures contre la ségrégation. Il en est de même pour le logement ou la rénovation urbaine. Il y a une sorte de « mainstreaming » : toutes les politiques spécifiques sont abordées sous l’angle d’un thème central. »

Autocritique rom et question du recensement ethnique

A côté des mesures potentielles des autorités publiques, la nécessité pour la communauté rom de prendre son destin en main a aussi été abordée. Nicolae Gheorghe, vice-président de l’Union Internationale des Roms a affirmé « l’absolue nécessité d’arrêter l’exploitation des enfants. » Soulignant la responsabilité des parents dans l’enseignement, Gheorge a aussi exhorté les dirigeants européens à les aider contre les réseaux de trafiquants qui s’exploitent les enfants et les femmes.

Mais la couleur était annoncée dès le début : le rôle de focaliseur émotif allait revenir au sujet épineux du recensement ethnique. Après que George Soros (président de l’Open Society Institute) ait suscité un vif émoi en évoquant son « indignation face au fichage italien, dont il craint qu’elle ne devienne une norme dans l’Union », on ne s’attendait pas à un discours aisé de la part d’Eugenia Maria Roccella, Sous-secrétaire d’état italienne pour les politiques sociales. En effet, c’est sous un concert de huées que la représentante du gouvernement Berlusconi a esquivé de nombreuses manoeuvres pour tenter de présenter sous un meilleur jour les mesures transalpines, évoquant quelques exemples de projets en faveur des Roms à l’échelon local. Une partie de l’assemblée a quitté la salle lorsque Roccella a affirmé que « des mesures de sécurité devaient être prises contre les cas d’illégalité ». Si le fichage pour raisons sécuritaires doit bien entendu être banni, le débat du monitoring (1) ethnique en vue de mesures adaptées dans l’emploi ou l’enseignement a malheureusement été manqué. Car force est de constater que l’absence de politiques en faveur des Roms est en partie liée à une méconnaissance profonde du sujet par les autorités.

(1) Contrairement au recensement, qui répertorie les personnes de manière précise et individuelle et qui peut donc donner lieu à un fichage ou une politique répressive personnalisée, le monitoring est un outil de mesure qui estime la présence globale des groupes minoritaires dans un domaine précis (entreprise, école,…) en gardant les données anonymes, afin de mener des politiques adaptées aux groupes étudiés.

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