Profilage ethnique et religieux ; le MRAX s’insurge et porte plainte !

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LA POLICE A PRATIQUÉ UN PROFILAGE RACIAL À LARGE ÉCHELLE !

 

DES DIZAINES DE PLAIGNANTS S’INSURGENT AVEC LE MRAX CONTRE UN CAS FLAGRANT DE VÉRITABLE RACISME D’ETAT…

CONFÉRENCE DE PRESSE DU 30 JANVIER 2009

I. LES FAITS

A l’occasion de la venue de Mme Tzipi LIVNI, Ministre israélienne des Affaires étrangères, le mercredi 21 janvier dernier, un rassemblement de protestation – pacifique mais sans autorisation – fut organisé aux alentours du Quartier européen.

Pour y faire face, les forces de l’ordre ont déployé un dispositif saisissant : toutes les personnes avec un faciès « arabe » ou « musulman » étaient repoussées, contrôlées ou arrêtées, seules les personnes sans une « telle » apparence pouvaient passer librement les barrages policiers… il s’agit ici de l’une des plus grandes opérations de PROFILAGE RACIAL jamais organisée dans notre pays… qui plus est par les autorités publiques elles-mêmes !!!

La visite à Bruxelles de Madame Tzipi LIVNI, Ministre israélienne des Affaires étrangères, le 21 janvier 2009, a suscité le jour même l’organisation improvisée de mouvements de protestation autour du Parlement Européen, en réaction aux derniers événements à Ghaza. Ce rassemblement n’avait donc pas fait l’objet d’autorisation préalable par les autorités.

Pour prévenir le rassemblement, des forces de l’ordre ont été déployées dans le Quartier Européen, principalement aux arrêts de bus et dans les stations de métro (Maelbeek, etc.), mais également sur la voie publique.

Vers 18h00, un tri systématique a alors été orchestré dans les divers points de contrôle. Les agents de police, censés distinguer « les manifestants potentiels » des « simples citoyens », ont procédé à un refoulement systématique, à un contrôle d’identité ou à l’arrestation des citoyens présentant une seule caractéristique : un faciès ! Celui de l’« arabe » ou celui du « musulman » (ex : port du foulard). De nombreux citoyens « au faciès inadéquat » ont ainsi été mis à l’écart et ont dû changer de trajet, y compris ceux qui parmi eux ignoraient ce rassemblement ou n’entendaient par s’y rendre !!! Alors qu’en parallèle, les citoyens « blancs-bleus-belges » étaient autorisés à circuler dans le périmètre de sécurité sans même que la police ne se soucie de leur intention de manifester !!!

Ces contrôles d’identité ont même viré, pour certains concitoyens contestataires du sort discriminatoire qu’on leur réservait, à un véritable fichage consistant en la retranscription de leur identité dans un registre tenu par la police, en la photographie ou l’enregistrement vidéo de leur visage. De même, des arrestations administratives furent également ordonnées pour les plus indignés. Certains témoignages font également état de menaces, de divers traitements désobligeants ou humiliants et d’usages disproportionnés des moyens policiers.

Des dizaines de plaintes nous sont parvenues au MRAX, ils sont tous concordants et accablants à l’égard des forces de l’ordre ! Les plaintes n’émanent pas que de concitoyens qui s’identifient comme arabes ou musulmans, des personnes d’autres origines ou confessions religieuses ou philosophiques rapportent les mêmes faits, par exemple le témoignage d’une députée fédérale (pourtant belgo-belge !), laquelle s’indigne de ce que « les personnes d’origine maghrébine étaient invitées à regagner le métro. Et à celles qui refusaient, la police réclamait leur carte d’identité. Les Belges comme moi, eux, pouvaient passer normalement, sans devoir justifier où ils se rendaient. » (Le Soir, 22 janv. 09).

II. DES TEMOIGNAGES ACCABLANTS !

Les témoignages suivants ont été choisis parmi des dizaines de plaintes recueillies par le MRAX, afin d’illustrer les différentes dérives (filtrage, fichage, comportement agressif, injure, arrestation, etc.) survenues lors de la fameuse soirée du 21 janvier 2009.

Karima :

« J’ai remarqué que d’autres personnes passaient le barrage alors que j’étais mise à l’écart. J’ai demandé : « pourquoi passent-ils, eux, et pas moi ? » La police m’a répondu que l’instruction était de se fier aux signes distinctifs. J’ai demandé quels signes. L’agent ne m’a pas répondu, n’a apporté aucun argument ! »

Abdelatif :

« … ils [les policiers] étaient tellement déterminés qu’un grand fort me poussa contre le mur pour me passer des coleçons (sic). (…) Il serra les coleçons, j’ai dû lui demander d’arrêter car ça faisait mal (j’ai toujours des marques à un poignet plus de 48 heures après !). (…) Bien que j’aie cédé à cette discrimination, j’ai demandé son numéro de matricule pour la plainte que je vais introduire, il répondit alors en flamand : « 444555666777888etc. » et appuya son genou contre l’arrière de ma cuisse pour me faire avancer plus vite : un excès de zèle dans son injustice ! Le festival des injustices a continué lorsqu’arrivé dans le bus, je vois une maman avec ses deux enfants et une personne qui fait une crise d’angoisse ! (…) Un agent nous a dit qu’on allait nous emmener au palais de justice et qu’ils pouvaient nous garder maximum 12 heures. Ce qui s’est passé, c’est qu’après près de 2 heures, un autre agent est venu nous demander de descendre un par un et qu’on devait donner notre identité à la sortie du bus. Cette démarche me paraissait suspecte, car il notait nos noms et dates de naissance dans un calepin qui n’avait rien d’officiel. »

Habiba :

« La police évacuait les lieux. Comme j’ai refusé, on nous a embarquées (avec ma fille) et attachées avec une ficelle en plastique, puis je me suis trouvée dans un fourgon de +/- 20 personnes. Un agent m’a bousculée parce que je protestais contre cette injustice. Ma fille et moi n’avions pas les poignets trop serrés, mais certaines personnes pleuraient, souffraient, en particulier un homme qui souffrait de diabète et voulait qu’on desserre les menottes. »

Maryam :

« Un policier civil qui prenait des photos m’a interdit de passer en grondant que la manifestation n’était pas autorisée. Rien ne prétendait pourtant que je participais à la manifestation, je ne portais ni keffieh, ni drapeau palestinien, ni slogan, j’aurais pu passer inaperçue mais faute d’être blonde aux yeux bleus, je me suis vue interdite d’accès. Le policier m’a donc interdit de traverser et m’a conseillé de façon virulente de rentrer chez moi si je ne voulais pas être embarquée, au même moment à côté de moi une femme de type européenne est passée sans aucun problème ! »

Soumaya :

« J’ai donné ma carte d’identité, celle de ma fille et de mon fils. En me la rendant, un policier dit, en néerlandais : « regarde, ils nous emmerdent ; qu’ils dégagent ! ». Or je comprends le néerlandais ! Une dame belge passe alors sans problème mais s’implique dans ma situation et me demande ce qui se passe ? Je lui explique la situation et elle dit alors au policier : « je vais aussi à la manifestation ». Le policier répond : « vous faites ce que vous voulez ; moi, j’ai une catégorie précise à arrêter ! » »

Lijba :

« Un policier à Mérode me demande si je vais à la manifestation. Je réponds que non. Le policier me dit alors qu’ils ont le droit d’arrêter ceux qui y vont et tous ceux qui portent un châle ! Ils ont ensuite enregistré mon identité avant de me laisser partir. »

Saïd :

« Le policier nous a demandé si nous sommes venus manifester, on a dit oui. On a donné nos pièces d’identité. Le policier dit alors « restez donc chez vous, regardez ce que vos enfants font ! » L’un nous a aussi traités de « salopards » en néerlandais. On nous a demandé d’enlever nos mains de nos poches, l’un m’a ôté mon keffieh de force. Ils nous ont plaqués contre le mur, et nous ont filmés en demandant de tenir nos pièces d’identité face à la caméra. »

Isabelle :

« Sur le chemin quotidien de retour au domicile familial, à la sortie du métro Mérode, ma fille E. Z. [ndlr : mineure !!!], accompagnée de A.B., ont été priés, par des agents de police, de s’écarter des autres passagers afin de procéder à un contrôle d’identité. Leurs noms et prénoms furent répertoriés sur une liste avant de pouvoir poursuive leur trajet. »

III. L’ANALYSE DU MRAX : ALERTE CONTRE L’ETHNICISATION DE LA SECURITE, DES CONFLITS ET DES MOUVEMENTS SOCIAUX !

Filtrage, fichage et ethnicisation de la sécurité publique !

Le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie (MRAX) condamne avec la plus grande fermeté le véritable filtrage ethnico-religieux organisé le mercredi 21 janvier 2009 dans le Quartier Européen.

Outre le filtrage qui constitue une atteinte incontestable au droit à la libre circulation, le fichage des données d’identité et les enregistrements vidéo de citoyens augurent d’une répression arbitraire et d’un traitement inégalitaire des citoyens selon leur origine ou leur religion – réelle ou supposée -.

La sûreté publique et le maintien de l’ordre ne peuvent pas être invoqués dans ce cas-ci par les autorités, précisément parce que ce n’est pas la participation à la manifestation en soi qui a été empêchée, mais bien la participation d’une certaine frange de la population bruxelloise, ce qui constitue un a priori inadmissible et discriminatoire, laissant entendre que le rassemblement in se n’est pas dangereux, au contraire de certains citoyens qui pourraient l’être en raison de leur identité !

Cet a priori, couplé au fichage qui a été opéré, s’avère extrêmement inquiétant quant à l’utilisation qui sera faite des données collectées et au traitement « différencié » auquel seront soumis des citoyens étrangers ou d’origine étrangère, dont un certain nombre d’ailleurs n’avaient aucune intention de manifester !

Le MRAX souligne le risque de voir les personnes, dont l’identité a été répertoriée le soir du mercredi 21 janvier, figurer dans une banque de données sécuritaire, sans même qu’aucune atteinte à l’ordre public n’ait justifié un tel fichage.

Ethnicisation du conflit

A l’heure où les débats publics sur la « communautarisation » et l’« importation des conflits internationaux » font rage, le MRAX s’interroge sur le procédé de filtrage ethnique et religieux utilisé par la police.

Ce procédé témoigne d’une incontestable ethnicisation sur notre territoire du conflit israélo-palestinien dans le chef des autorités, puisque le refoulement systématique des personnes au faciès « arabe » et/ou « musulman », conjugué au laissez-passer auquel ont eu droit les citoyens sans un tel faciès, laisse transparaître un amalgame, un préjugé douteux et dangereux selon lequel seules les personnes d’origine arabe ou de religion musulmane sont susceptibles de manifester contre la visite d’un dirigeant israélien.

Ce faisant, les autorités et les forces de l’ordre :
- légitiment les discours alarmistes refoulant aux seuls concitoyens d’origine arabe ou de confession musulmane la responsabilité de « l’importation » (pour peu qu’il y en ait une) du conflit israélo-palestinien ;
- accentuent dangereusement le dérives communautaristes.

Au-delà même du cas précis que représente le conflit à Gaza, la légitimité même des mouvements sociaux et du principe de solidarité est ainsi remise en cause : en effet, selon la logique de filtrage opérée, il serait a priori improbable pour un citoyen « belgo-belge » de manifester une quelconque sympathie envers une partie liée à un conflit extérieur, seules les communautés concernées pouvant représenter un « danger » (on se demande bien lequel ?) lors de rassemblements dédiés à des événements internationaux. Pire encore, comment défendre le principe de citoyenneté active et d’intégration réussie si l’on part de ce principe de filtrage qui sous-entend dès lors que « certaines » communautés ne se mobilisent que pour des conflits internationaux ?

Le profilage ethnique qui s’est déroulé mercredi passé à Bruxelles représente une véritable humiliation pour nos concitoyens d’origine arabe ou de confession musulmane, une atteinte inadmissible à leurs droits fondamentaux à l’égalité et à la non-discrimination, ainsi qu’un coup de poignard contre notre « vivre ensemble ».

IV. ACTIONS DU MRAX

Face aux dérives qui se sont produites le 21 janvier 2009, le MRAX décide :

1.de saisir le « Comité P », pour qu’une enquête externe et indépendante soit diligentée sur ce véritable scandale public :le Comité permanent de contrôle des services de police, en abrégé le « Comité P », est l’organe de contrôle externe de tous les agents ayant une compétence de police. Dans cette affaire, c’est la police qui a servi de bras armé pour la réalisation du profilage racial à grande échelle. Le MRAX saisit donc le Comité P pour qu’il mette la lumière sur toute cette affaire et fasse des recommandations claires pour que cela ne se reproduise plus ! ;

2.de porter plainte auprès du Procureur du Roi de Bruxelles pour faits de racisme :toute cette opération de profilage racial constitue une véritable discrimination fondée sur plusieurs critères protégés par la loi, tels que : « la nationalité, une prétendue race (…) ou l’origine nationale ou ethnique » (art. 4, 4°, de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie (modifiée par la loi du 10 mai 2007) ou « (…) la conviction religieuse ou philosophique (…) » (art. 4, 4°, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination).

Une telle discrimination raciste constitue un délit et est réprimé pénalement : « Est puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans, tout fonctionnaire ou officier public, tout dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publique qui, dans l’exercice de ses fonctions, commet une discrimination à l’égard d’une personne en raison de l’un des critères protégés. Les mêmes peines sont applicables lorsque les faits sont commis à l’égard d’un groupe, d’une communauté et de leurs membres, en raison de l’un des critères protégés. » (art. 23, al. 1 et 2, de la loi précitée de 1981 et de la loi précitée de 2007).

3.de dénoncer publiquement les propos stigmatisants du Ministre de l’Intérieur exprimés à cette occasion : à l’occasion de sa réponse à une question parlementaire sur le sujet, le Ministre de l’Intérieur a tenu des propos inqualifiables : « Comme l’appel pour cette manifestation spontanée était incontestablement une action hostile, il est évident que l’action préventive et dissuasive des forces de l’ordre devait s’orienter vers les participants potentiels, c’est-à-dire principalement vers des jeunes d’origine nord-africaine » (réponse du Ministre de l’Intérieur Guido DE PADT à l’interpellation de la Députée fédérale Zoé GENOT à la Commission de l’Intérieur de la Chambre des Représentants, le 27 janvier 2009 – Extrait du compte rendu intégral CRIV 52 – COM 0431). Cette accusation péremptoire conforte le traitement discriminatoire que nous contestons, à l’égard d’une population que le Ministre lui-même stigmatise gratuitement et injustement.

Contacts :

Radouane BOUHLAL, Président, radouane.bouhlal@skynet.be – +32 (0) 475/75.14.89.

Didier de LAVELEYE, Directeur, didier.delaveleye@mrax.be – +32 (0) 2/209.62.59.


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