Cela fait deux ans que le terrorisme de Daech a frappé Bruxelles. Les attentats à l’aéroport de Zaventem et l’arrêt de métro de Maelbeek ont eu lieu le 22 mars 2016, le lendemain de la journée internationale contre le racisme. La plupart des organisateurs de la manifestation contre le racisme, qui aura lieu ce 24 mars 2018, étaient présents pour des dizaines de commémorations, mais également lors de la Marche nationale contre la haine et la terreur. Nous condamnons les attentats à partir de nos préoccupations humaines, antiracistes et sociales. Néanmoins, nous affirmons une solidarité basée sur des faits, à l’encontre de ceux qui veulent abuser des attentats afin de susciter le racisme.
Suite Ă la guerre en Afghanistan et l’ingĂ©rence amĂ©ricaine lĂ -bas, al-Qaida a vu le jour. L’invasion amĂ©ricano-britannique de l’Irak (2003), l’occupation, ainsi que le dĂ©mantèlement de l’État irakien ont provoquĂ© l’Ă©mergence de Daech (autrement dit «l’État islamique»). Ces guerres ont Ă©tĂ© accompagnĂ©es d’un discours raciste Ă propos des pays dits « arriĂ©rĂ©s » ainsi que des peuples, des dirigeants et des convictions religieuses. Cependant, les vraies raisons Ă©taient: le pĂ©trole et la gĂ©opolitique.
Le fait que des groupes terroristes fassent Ă©galement la « guerre » sur le terrain, constituait une motivation pour une nouvelle escalade de la « guerre contre le terrorisme ». Les interventions militaires ainsi que les budgets de la dĂ©fense sont en hausse: la « guerre contre le terrorisme » assure-t-elle pour autant la paix et la stabilitĂ©? Cette guerre dure maintenant depuis des annĂ©es. Plusieurs campagnes de guerre – Afghanistan, Irak, Libye et Syrie – n’ont apportĂ© avec eux ni la paix ni la stabilitĂ©. Ces zones de guerre, oĂą se trouvent 96% de toutes les victimes du terrorisme, paient le plus lourd tribut. La guerre a condamnĂ© de nombreuses personnes Ă une vie de rĂ©fugiĂ©s. Il n’empĂŞche que notre gouvernement va bientĂ´t rĂ©investir des milliards dans la mĂŞme politique de guerre en faillite avec l’achat de nouveaux avions de combat.
Au Moyen-Orient, une jeune gĂ©nĂ©ration grandit sans perspective d’avenir. L’intervention Ă©trangère, les Ă©lites corrompues et les dirigeants militaires bloquent le changement dĂ©mocratique depuis le bas. Nos pays entretiennent toutefois de bonnes relations avec nombreux de ces rĂ©gimes. L’Arabie Saoudite et le Qatar, pour n’en citer que deux, nourrissent l’extrĂ©misme dans la rĂ©gion (et au-delĂ ) et arment des groupes extrĂ©mistes, bien souvent au moyen des armes fournies par les pays europĂ©ens. Notre gouvernement doit arrĂŞter sa participation Ă cette politique de dĂ©stabilisation.
Une politique cohĂ©rente est nĂ©cessaire en coordonnant le commerce, l’Ă©conomie, la diplomatie et d’autres formes d’action Ă©trangère afin de s’attaquer aux causes profondes de la violence. La sĂ©curitĂ© est ne se limite pas Ă l’absence de violence. La sĂ©curitĂ© consiste Ă Ă©laborer une sociĂ©tĂ© juste, sociale, durable et Ă assurer la tolĂ©rance ainsi que le respect pour les autres cultures. L’Europe soutient de nombreuses valeurs et dĂ©clarations, mais le fossĂ© entre les paroles et les actes est grand.
Les auteurs des attentats de Paris, de Bruxelles et d’ailleurs en Europe doivent bien Ă©videmment ĂŞtre punis. En mĂŞme temps, nous ne devons pas oublier qu’ils ont grandi dans nos pays. C’est ici qu’ils se sont laissĂ©s emporter par l’extrĂ©misme et c’est Ă partir d’ici qu’ils sont allĂ©s en Irak et en Syrie. Beaucoup de jeunes se heurtent Ă des obstacles afin de participer pleinement Ă notre sociĂ©tĂ©. Un nom « Ă©tranger » suffit souvent pour ĂŞtre exclu du marchĂ© du travail ou du logement. Une apparence « Ă©trange » suffit souvent pour ĂŞtre ciblĂ© par les contrĂ´les de police. Le gouvernement doit investir davantage pour assurer l’accès de tous: Ă une Ă©ducation de qualitĂ©, au marchĂ© du travail et Ă la culture, dans une sociĂ©tĂ© oĂą le respect de la foi et l’expression des convictions de chacun.e prĂ©valent, afin de pouvoir combattre le fanatisme.
L’approche nationale envers la menace terroriste nĂ©cessite plus de respect pour les droits dĂ©mocratiques. Suite Ă un sentiment d’urgence, des lois et des politiques sont en train d’ĂŞtre Ă©laborĂ©es qui auraient Ă©tĂ© impensables dans d’autres circonstances. Des soldats dans la rue, des actions de «nettoyage» … Toutes ces mesures semblent impressionnantes, mais contribuent-t-elles rĂ©ellement Ă plus de sĂ©curitĂ©? Le Plan du Canal cible des communautĂ©s entières. L’invasion de Globe Aroma dĂ©montre de quelle manière les associations sociales, sportives et culturelles sont traitĂ©es. L’efficacitĂ© ainsi que le caractère dĂ©mocratique de l’approche belge sont remis en cause au niveau international. Elle lie le racisme Ă un faux sentiment de sĂ©curitĂ©. Contre cette polarisation et cette politique de diviser pour rĂ©gner, nous affirmons l’unitĂ©.
Plateforme 21/03
Mars 2018