“Il n’y a pas qu’une seule discrimination” – Portrait de Regina

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Regina est une femme Ivoiro-Libanaise, musulmane, invalide de naissance. Elle nous raconte avec beaucoup de force l’importance du pouvoir de résilience.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis Regina, j’ai 34 ans bientôt. Je suis titulaire d’un Bachelor en RH. 

Comment vous définissez-vous ? Quelle est votre identité ?

En fait, je préfère parler de comment les gens me perçoivent parce que je suis en total accord avec ce que les gens disent de moi. Je suis assez forte, assez battante, assez dynamique. Et je me perçois aussi comme personne intelligente, voilà.

Mon identité physique je l’assume depuis le bas âge et je l’assume jusqu’à aujourd’hui. Pour moi, ça fait partie de moi et je l’ai intériorisé, j’ai appris à vivre avec et je me sens très bien avec. Je n’ai pas de mal à en parler. Je suis une personne handicapée, invalide de naissance. J’ai pas demandé à naître comme ça. Et très tôt, grâce à l’entourage familial et grâce à l’entourage en général, j’ai quand même réussi à accepter ma situation, mon handicap. Et j’ai grandi avec sans aucun complexe. Je le vis très bien. C’est d’ailleurs ce que je résume très souvent à dire : mon handicap, c’est ma force. Mon handicap, c’est ma beauté à moi. 

Je suis une femme noire, métissée, handicapée depuis la naissance mais qui n’a pas vraiment d’impact négatif sur ma vie. Et pour résumer, je peux dire que je suis une femme du monde.   

Dans le fond de la réalité, je suis Ivoirienne métissée en fait Ivoiro-Libanaise mais je suis plus de la culture ivoirienne. Je suis née et j’ai grandi en Côte d’Ivoire. Je me perçois comme une femme de monde parce que partout où je passe, j’ai toujours ce sentiment d’appartenance. 

Quel est votre premier souvenir de discrimination dont vous avez fait face ? 

Ça c’était vraiment la première discrimination intello-raciale que j’ai vécue : J’étais à l’hôpital et j’ai discuté avec une dame qui était parent à ma voisine de ma chambre. On discutait et cette dernière était fascinée par mon intellect. Parce que je suis noire. Elle était éblouie presque et un moment, elle me demande d’où je viens et je lui réponds. Elle a répondu « Ah là-bas il y a des écoles et tout? Parce que je vois que vous parlez bien ». Je lui dis « Mais oui, on n’a pas que des arbres en Afriques » (rires) On a des universités en Afrique, on étudie en Afrique. Elle était stupéfaite.

Après, il y a aussi la discrimination religieuse, c’est la discrimination que je subis le plus. Parce que je porte le voile. Pour certain.e.s, c’est perçu comme du communautarisme, comme de l’ostentation, comme une obligation. Parfois, on me demande si c’est mon mari qui m’a forcé à me voiler. J’ai commencé à me voiler je n’avais même pas d’homme dans ma vie, rien du tout. Les gens n’arrivent pas à comprendre que c’est un choix personnel, que c’est une conviction personnelle et c’est bien dommage. Et c’est franchement, de toutes les discriminations auxquelles j’ai pu faire face, c’est vraiment celle qui revient le plus souvent. Et c’est celle-là qui me peine le plus si je puis dire. 

Les autres, à vrai dire, la discrimination sur mon physique, ça c’est quelque chose que j’ai commencé à vivre depuis l’enfance donc j’ai déjà eu le temps de mettre une carapace, je suis armée. 

Depuis l’enfance, je n’ai pas eu de barrière, c’était le meilleur choix qu’ait fait ma famille pour moi. De ne pas me donner de restriction, je remercie beaucoup ma famille, surtout mon père d’avoir été très ouvert sur ce plan-là. Parce que le fait de m’avoir laissé champs libre, de vivre une enfance comme tout autre enfant, ça m’a forgé et je pense que c’est la meilleure époque de ma vie. J’ai vécu une enfance tout à fait normale. Je grimpais aux arbres, je jouais au foot etc. Je dis toujours, j’ai vécu une enfance plus que normale, j’ai pas eu de barrière. Et ça a vraiment été un leitmotiv pour moi, ça m’a permis d’avoir ma place, de gagner ma place. J’ai ma place là, je peux faire comme les autres, je vis comme les autres.

Mon handicap, c’est mon identité, c’est ma richesse

Et justement aujourd’hui, j’ai de la peine pour ceux qui sont valides. Justement, parce que moi, grâce à mon invalidité, j’ai développé une force de caractère, une force d’intellect que des personnes n’ont pas, que des personnes valides ne peuvent même pas avoir, ne serait-ce que le tiers. Et à un moment donné, ils sont plus invalides que moi par rapport à certaines situations. Souvent, j’ai de la peine pour eux. C’est assez fou mais c’est comme ça (rires). Mon handicap, c’est mon identité, c’est ma richesse. Si on m’enlève cet handicap aujourd’hui, je peux vous dire que c’est tout qu’on m’enlèverait, parce que c’est ma richesse à moi, c’est ma beauté, c’est mon tout comme on dit. 

Quel est le message que vous voulez faire passer aux femmes qui sont dans la même situation que vous ?

Je vais aller sur 3 points très importants qui sont vraiment les bases de la vision de ma vie à moi et qui m’ont permise d’avoir cette réussite. 

En premier lieu, c’est le pouvoir de résilience, ça c’est l’ultime force qu’on peut avoir quand on est une personne dite différente. Faire preuve de résilience en toutes choses, c’est vraiment très important, ça nous aide vraiment. 

Le deuxième point, je dirais c’est l’auto-dérision. Ça parait bête mais c’est une grande force. Il faut savoir rire de soi-même, de son handicap, de sa différence. Ça créée une forme de carapace, une forme de protection contre les autres. Parce que quand on est habitué à rire de soi-même, de ce qu’on a ou de ce qu’on est. Les rires, les moqueries, les discriminations des autres nous touchent à peine. Je pense que l’auto-dérision c’est une grande force. 

Le troisième point que je voudrais évoquer, c’est le fait de s’assumer. Il faut être en mesure de s’assumer tel qu’on est et de ne pas se laisser perturber ni influencer par quoi que ce soit. Il faut être fière de qui on est. Parce que ça défie celui qui est en face.

Ce sont les expériences de vie qui m’ont permis de sortir ces trois points essentiels pour une personne dite différente. Le pouvoir de résilience, ça aide à être patient envers les autres, ça aide à être patient envers soi-même face à toutes ces situations. Également l’autodérision, ça je l’ai acquise dès l’enfance, j’ai toujours rigolé de moi-même de mon handicap, ça fascine souvent même les personnes en face de moi. Ça m’aide jusqu’au jour d’aujourd’hui. C’est un bouclier pour moi. Si quelqu’un rit de moi, je ne serais pas touchée parce que je suis habituée à rire ça de moi-même. Le troisième point, le fait d’assumer son point de vue, sa situation, il n’y a rien de tel. Être fière de qui on est. 

Avez-vous un message à faire passer à la classe dominante ?

Pour moi, c’est de sortir de l’état de l’ignorance Ces personnes sont malades, souffrent de l’ignorance. Il faut vraiment sortir de là pour s’ouvrir au monde et savoir qu’il y a des personnes différentes. Chercher à comprendre le pourquoi et le comment des choses, il faut se cultiver à tous les niveaux. La connaissance ce n’est pas seulement à l’école qu’on l’intègre. Et le fond du problème c’est que ce sont des personnes ignorantes, malheureusement. Je dis à ces personnes-là, d’aller se cultiver, de chercher la connaissance envers des personnes qui pour eux, sont des personnes différentes. Ça les aidera beaucoup à acquérir la maturité. 

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