Les lauréats du concours Ma Plume Contre le Racisme 2017

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Le premier prix a été attribué à Camélia Semigabo de l’école belge de Kigali

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Illumination

Assise sous ce grand arbre, nostalgique

Sous cette étoile rayonnante d’Amérique

Je repense à ces beaux jours me semblant si lointains

Illuminés de tous ces joyeux rires enfantins

Qu’aurait été ma vie dans la peau d’un privilégié

Existerait-il enfin cette notion de paix

Ou serait-elle qu’illusion éphémère ?

Me laissant ainsi un goût amer

J’en veux à cette terre, aux grands de ce monde

Qu’à cause d’eux, jamais je ne saurai

Qu’à cause d’eux, jamais je n’ai été appréciée

Chaque matin, me faisant traiter de créature immonde

Mais au fond, qu’ai-je fait pour le mériter ?

Suis-je un individu à part entière

Ou juste un bout de carton qu’on lance à terre ?

Je ne suis que la réflexion de cette triste réalité

Serai-je un jour jugé à ma juste valeur

Me détruisant, à petit feu, mon si fragile cœur

Ou dois-je indéfiniment continuer à garder espoir ?

Peu à peu me sombrant dans ce trou noir

L’Homme, maître de soi ?

Non, je ne pense pas

Je me suis cachée tant de fois

Derrière ce masque trop étroit

Tant de soirées passées à pleurer

Pleurer jusqu’à ne plus rien sentir

Me sentant coupable d’avoir une peau aussi foncée

Ne supportant plus le fait de me faire autant haïr

Désormais, je décide d’assumer mes racines

Croyez-moi, je n’ai pas pu faire pire que Mesrine

Si vous ne me croyez pas, bah tant pis

Mais je souhaite enfin vivre ma vie

Oui, j’assume ma couleur ébène

Oui, j’accepte mes voluptueux cheveux frisés

Vous pouvez encore et toujours essayer

Mais vous n’arriverez désormais plus à me changer

Chenille devenue papillon

C’est bien ce que vous pensez

Attendez je vais vous en dire la raison

Trop souvent, vous m’avez dénigré

A trop m’être faite rabaisser

Après  tous ces obstacles, j’ai enfin finis par me relever

Pour mieux pouvoir surmonter

Toutes ces atrocités que vous avez voulu cacher

On dit souvent qu’il faut souffrir pour être beau

J’pense qu’aujourd’hui j’peux vous dire que je suis magnifique

J’ai trop longtemps du porter ce lourd fardeau

Ah vous ne trouverez pas ce retournement de situation fantastique

Toute ma triste vie, je n’ai fait que me battre

Aujourd’hui, dans mes mains se trouvent mes dernières cartes

Je tiens à vous dire qu’après mure réflexion

Avancer, tourner cette page reste ma décision

Je voudrais rendre fière mes chers en division

Changer cette insupportable situation

Pour finalement leur rendre leur liberté

Sans en oublier leur fierté

J’ai réalisé que vous n’étiez pas supérieurs

Par la même occasion, réalisé que je n’étais pas inférieure

Après tant d’années, je sais enfin ou je vais

Et rien ni personne ne pourra m’arrêter

 

Le deuxième prix a été attribué à Stolberg Léonie de l’Institut Saint Luc de Tournai

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Le racisme n’est pas une idée, c’est une colère qui cherche un coupable

Pour lutter contre le racisme, Mohamed Ali a su développer une attitude nouvelle, revendicative et fière. Il a affirmé ses origines et a obligé une partie de l’Amérique et du monde à reconnaître l’existence des noirs et de leurs droits. De son côté, Nelson Mandela en Afrique du Sud trouvera lui aussi une voie en comprenant qu’il fallait que les blancs n’aient plus peur des noirs. Aujourd’hui, où en sommes-nous du racisme ? La montée des extrêmes prônant les discriminations et l’usage de la violence nous rappelle que le racisme est toujours là et qu’il s’est renforcé, là aussi où l’on pensait que la démocratie avait fait son travail d’éducation et de tolérance. Mais la crise économique et son cortège de frustrations ont fait ressortir les peurs, les réflexes de repli et les besoins de boucs émissaires. La première erreur serait donc de croire que le racisme avait disparu. Le racisme est là ; il a toujours été là. Il attend juste que de nouvelles conditions d’émergence et d’expression lui permettent de s’exposer au grand jour. Les racistes revendiquent leurs haines et en sont fiers, comme si un nouveau climat leurs étaient de nouveau favorables. Aujourd’hui, ils se montrent sans complexe et veulent faire valoir leur haine de l’autre comme une idée au même titre que les autres. Mais le racisme est-ce une idée au même titre que les autres ? Le racisme est-ce une idée d’ailleurs ?

Non, le racisme n’est pas une idée mais un préjugé, c’est-à-dire une façon de voir qui ne repose pas sur l’esprit critique, mais sur l’ignorance et qui parfois s’y complait, et, pire, qui fait de la peur un fonds de commerce. La peur est émotionnelle et humaine, mais son business et l’économie qui en est le corollaire, est un calcul qui porte préjudice à l’humanité. En jetant de l’huile sur le feu, c’est toute la maison qui brûle, en n’épargnant personne. Non, le racisme n’est pas une idée même s’il y a eu des idéologues des races qui ont voulu en faire une « grande idée ». Une idée, c’est ce qui éclaire le chemin du mieux vivre ensemble ; c’est ce qui libère le cœur, soulage de la peur et redonne confiance. Une idée, c’est un projet ; celui de construire une maison accueillante et souriante, où l’on peut partager ses peines et ses joies. Une idée, c’est un projet ; celui de construire une maison accueillante et souriante, où l’on peut partager ses peines et ses joies. Une idée, c’est une utopie bienfaisante, qui nous pousse vers des horizons plus humains en nous rendant plus libres, plus conscients, plus responsables et plus heureux. C’est tout sauf le parti pris du confort, car rien n’est jamais acquis et les valeurs sont fragiles. C’est pour cette raison qu’il faut les défendre, qu’il faut faire quelque chose plutôt que rien, car la vie est fragile. Mais que faut-il faire pour lutter contre le racisme ? Y-a-t-il de nouvelles voies ?

Les solutions sont à de multiples niveaux : politiques, économiques, culturels, intellectuels, éducatives etc. Au niveau individuel, chacun doit faire à son échelle et avec son talent, car face à quelqu’un de raciste, qui s’est construit, probablement depuis son enfance et au milieu de ses proches, peut-être autour d’un événement  traumatique, un monde autour de sa haine, les mots et les raisonnements ne fonctionnent pas, car il s’agit d’émotion. Un raciste c’est quelqu’un qui est en colère, qui porte une haine en lui dont il ne retrouve peut-être pas l’origine, et qui accepte qu’on lui indique un coupable, car ça le soulage. Il cherche donc à être soulagé. Comment peut-il prendre conscience de la situation ? Mais, veut-il prendre conscience de son état ? Comment renoncer à ce que l’on a construit, même si c’est de la haine ? Comment accompagner une telle personne sans être moralisateur et donneur de leçons, ce qui est très contre-productif ? Doit-on considérer la haine comme une maladie et la soigner ? Et comment soigner quelqu’un qui ne le désire pas ? Il y a ici, beaucoup de questions, mais une certitude demeure c’est que le racisme nait dans un climat d’appauvrissement intellectuel et économique.

 Certes,  « le racisme est une erreur », pour reprendre les termes de Mohamed Ali, mais il existe, et parfois il devient une force sur laquelle s’appuient des personnes malveillantes pour servir leurs propres fins. Les seuls remparts à lui opposer pour le tenir à distance restent l’éducation et le courage. Il faut porter cette conviction et donner les moyens d’ouvrir l’imagination, d’entretenir la curiosité et l’éveil sous tous ses aspects, de montrer que d’autres voies sont possibles où chacun est capable et libre d’inventer ce qui lui convient dans le respect des autres, de soi-même et de la vie sous toutes ses formes

 

Le troisième prix a été attribué à Jeanne Simon de l’Institut Saint-André de Ramegnies-Chin 

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Mon plus beau combat

Lorsque je suis monté sur le ring, j’ai tout de suite su que ce serait un combat difficile.

Qu’il serait long et douloureux. Face à moi, un adversaire de taille, le genre d’adversaire qui paraît immortel. Il me regardait d’un air sûr de lui, l’air de dire : « es-tu bien certain de savoir à qui tu t’attaques ? Nombreux sont ceux qui ont tenté de se frotter à moi et ont échoué. »

Je m’appelle Cassius, mais appelez-moi Muhammad. J’ai dix-huit ans. Je suis très jeune, sûrement le plus jeune dans la salle, mais peu nombreux sont ceux dont l’ambition équivaut à la mienne. Qu’importe mon âge, qu’importe mon origine, je veux et je vais leur montrer qui je suis.

Je sais que beaucoup ont tenté, année après année de le battre, cet adversaire. Je sais qu’il est coriace et que, malgré son grand âge, il n’a rien perdu de sa résistance et de sa puissance. Il suscite une haine incroyable à lui seul. Il n’épargne personne. Il trouverait même quelque chose qui ne lui plait pas chez le plus parfait des hommes, prétextant sa « race » ou sa couleur de peau. Il n’a aucune pitié et paraît invincible. Mais cela ne fait que renforcer mon envie de le battre, de le sortir de ce ring de la façon la plus violente qui soit. Même si cela ne réduira en rien la douleur provoquée et que provoquent aujourd’hui encore, ses mots et ses coups.

Le gong retentit. Le combat débute. Dans un premier temps, je me contente d’esquiver.Puis, je commence timidement, par quelques coups timides. Je n’ose pas m’affirmer, je préfère l’analyser et me donner le temps de préparer chaque attaque. Car pour moi, toutes ont leur importance, même si elles peuvent parfois paraître anodines, chaque action, chaque coup, chaque éclat est réfléchi. Je tente de rallier la foule à ma cause, de mettre tout le monde de mon côté car mon adversaire ne me fera aucun cadeau. Ma notoriété grandissante me permet d’avoir du soutien et Dieu sait que j’en aurai besoin. J’ai la conviction d’être entendu, c’est une chance et je compte bien m’en servir. Je veux toucher l’Amérique et le reste du monde. Je ne veux pas tomber dans l’oubli sans avoir laissé une trace. Mais cela ne va pas être simple. Il me rend coup pour coup. Il a une puissance incroyable, je ne m’attendais pas à cela. Le combat a commencé depuis quelques minutes et mon opposant ne semble pas relâcher la pression. Il me pousse dans les cordes, j’en perds l’équilibre, il est sournois, ses coups en douce se succèdent. Il multiplie les attaques par derrière, il n’a tout simplement pas de face. Fort de son expérience, il sait où toucher pour faire mal.

J’ai parfois envie de jeter l’éponge. Quand je regagne mon coin, je souffle un peu tout en restant concentré sur mon objectif. Je pense aussi à ma famille, je m’évade du ring quelques secondes. Mais cette pause est de courte durée. Je repars au combat. Aucun de nous ne s’avoue vaincu. Crochets, uppercuts et coups bas, il utilise toutes les armes. La passivité coupable de l’arbitre encourage mon adversaire.

Plusieurs fois il m’envoie au tapis mais je me relève. Le mot abandon ne fait pas partie de mon vocabulaire. Jamais je ne laisserai gagner la lâcheté et l’injustice. Je donnerai tout dans cet affrontement, jusqu’à ma vie s’il le faut. Je veux que mes combats servent à ceux qui en ont besoin. Je ne veux pas dépasser les limites car je veux gagner cet affrontement à la régulière. Je souhaite être un exemple pour ceux qui me regardent et leur montrer que l’intégrité est souveraine. La fin du round est assez équilibre.

Puis vient la troisième et dernière reprise. Le combat se durcit encore. Je n’ai plus de forces, mon corps me lâche peu à peu, je baisse ma garde, je suis exténué. J’ai l’impression d’avoir vieilli de cinquante ans, lui semble à peine fatigué, il est certes un peu sonné, mais grand nombre de personnes le supportent et nourrissent sa hargne.

Rien ne semble pouvoir l’arrêter. J’ai cru pouvoir le battre. Le sortir du ring une fois pour toute. J’avais l’envie et l’ambition de m’en débarrasser, d’aider toutes ces personnes qui subissent au quotidien sa méchanceté, sa lâcheté et sa stupidité. Mais en fin de compte, il m’a mis KO, mais je sais que mes coups l’on fait vaciller, que mes paroles et mes actes ont changé le cours des choses. J’espère sincèrement que d’autres suivront mes pas et se soulèveront, se battront comme je l’ai fait. Pour un jour peut-être, le faire disparaître pour de bon.

Car oui, le racisme est un adversaire de taille. Pourtant, j’ai su par ma carrière et mon ambition, exprimer à tous ma tolérance et aussi ma révolte. Cessez de vous taire par peur de ne pas y arriver. Je suis un homme, tout comme vous, avec mes faiblesses et mes failles. Ensemble, continuons à combattre.

Prix spécial « coup de cœur » du jury attribué à Ibrahim Moulila de l’Institut Dames de Marie

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« Je suis l’Amérique. Je suis cette partie du Pays que vous ne voulez pas reconnaître. Mais habituez-vous à moi : noir, sûr de moi, présomptueux. »

Mohamed Ali est un symbole pour moi. J’écris car je veux faire passer un message de paix. Un message qui pourra faire du bien, un message qui pourrait défendre notre royaume lynché par le mal. Je veux faire revenir cette joie de vivre qui nous unit, ce sourire qu’on s’empêche de garder en soi. Je veux redonner vie au matin. De mes petites mains, de ma grande plume, je peux vaincre l’épée qu’est le racisme. Cette noirceur qui nous empêche de vivre ensemble malgré nos différences car au fond, la seule chose où nous sommes tous vraiment identique, c’est dans le fait que nous sommes tous uniques.

J’écris car je veux faire de ce dernier jour mon dernier silence. Car quand on garde le silence, on permet à ces crimes de continuer. Je ne veux plus être victime de ce racisme alimenté par des faibles de conscience. J’écris pour me révolter. J’écris car je trouve que «c’est une folie d’haïr toutes les roses parce qu’une épine nous a piqué»[1], une folie de détester quelqu’un pour ce qu’il est et non pour ses actes. Je ne veux plus voir des victimes de ce racisme, de cette haine. Je sais que personne ne nait en haïssant quelqu’un. Personne ne nait raciste, on le devient. Alors j’ai foi en l’être humain et en ses capacités.

Je suis cette jeunesse qui représente l’espoir, cette jeunesse différente des autres mais unie. Je suis cette jeunesse qui ne prend pas souvent la parole mais qui est capable de comprendre ce que certains grands ne peuvent pas comprendre. Que nous sommes tous pareils.

Je suis cet adolescent qui sera bientôt adulte. Je suis cette petite harcelée à l’école. Je suis cette maman enceinte qui n’attend que son enfant. Je suis cette femme battue. Je suis cet homme qui ne demande qu’à être libre. Je suis ce détenu injustement condamné qui ne demande que sa liberté. Je suis aveugle, je ne vois que du noir autour de moi. Je suis sourd, je ne peux entendre ta voix.

Et pourtant, je sens le malaise qui règne autour de nous. Je suis ce mari veuf qui ne demande qu’après son amour. Je suis cet enfant abandonné. Je suis orphelin du monde. Je suis musulman, juif, athée, chrétien insulté pour ses croyances. Je suis cet enfant soldat qui se bat pour servir des causes qu’il ne comprend même pas. Je suis cet enfant syrien dépossédé de ses droits, cet enfant qui ne rêve plus, qui n’apprend plus, qui ne dort plus, cet enfant qui a pour réveil les bombardements et pour berceuse la mort. Je suis cette famille massacrée, détruite par la barbarie. Je suis Alep, ce peuple oublié. Je suis cet enfant qui travaille pour subvenir aux besoins de sa famille, qui renonce à son enfance pour survivre. Je suis ce musulman brulé en Birmanie. Je suis la Palestine, un pays qui a longtemps été dépossédé de ses terres, de ses droits et ses libertés. Je suis cet enfant somalien qui crie famine. Je suis Rosa Parks qui a montré à l’humanité entière qu’on pouvait se lever contre les injustices en restant assis. Je suis Martin Luther King, mort pour ses convictions. Je suis Mohamed Ali qui par la simple force de ses poings, qui par son histoire et sa couleur de peau a su marquer nos esprits. Je suis la liberté d’expression. Je suis cet homme de couleur injustement assassiné. Je suis contre la violence et je suis objecteur de conscience. Je suis habitant de la terre et je défendrais mes couleurs, mon pays jusqu’à mon dernier battement de cœur et mon dernier souffle. Je suis un être humain comme toi et je souffre. Je suis contre les injustices et je me lève contre ce racisme car je suis fier d’être citoyen du monde.

[1]A. de Saint-Exupéry

 

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