Faillite des partis d’extrême-droite, triomphe de leurs idées ?

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En novembre 2004 le Vlaams Blok était dissous pour laisser la place au Vlaams Belang. Le parti flamingant d’extrême-droite avait connu différent succès électoraux et arriva à séduire presque un électeur flamand sur quatre lors des élections régionales de 2004. Le discours de cette formation politique créée en 1978 est bien rodé, la haine de la Belgique n’y a d’égal que la haine des immigrés. La condamnation par la justice de 3 asbl du Vlaams Blok et la perspective de voir le parti privé de sa dotation publique incitèrent ses dirigeants à créer un nouveau parti avec les mêmes initiales, les mêmes couleurs et, bien évidemment, les mêmes idées : le Vlaams Belang était né. Ses performances électorales furent néanmoins de plus en plus modestes et ce parti, maintenu éloigné du pouvoir notamment grâce au cordon sanitaire ne dispose plus que de 3 sièges à la chambre des représentants. La N-VA, parti nationaliste et conservateur fondé en 2001 a finit par siphonner une partie de l’électorat du parti extrémiste.

En 1972, Jean-Marie Le Pen fonda le Front National avec les dirigeants de la mouvance fasciste « Ordre nouveau ». Le Pen fut choisi comme président du nouveau parti en raison notamment de son parcours « exemplaire ». Élu sur la liste de Pierre Poujade, militaire adepte assumé de la torture durant la guerre d’Algérie, directeur de la campagne présidentielle de Tixier-Vignancour (l’avocat de Louis Ferdinand Céline et de l’OAS) : ses états de services en font le leader légitime de ce nouveau parti d’extrême-droite ! Le bagout et les outrances de Le Pen permettent au FN d’engranger certaines percées électorales. La plus remarquable étant sa présence au second tour lors des élections présidentielles de 2002. Toutefois, certains dirigeants du parti perçoivent bien le coté repoussoir de la figure de leur président qui minimise les chambres à gaz et trouve des excuses au Maréchal Pétain. Le Pen cède finalement sa présidence à sa fille Marine, perçue comme plus modérée, qui termine par l’exclure du parti en raisons de ses désaccords avec la ligne moins extrême qu’elle impulse et de ses multiples provocations.

Évidement, la disparition du FN tel que Jean-Marie Le Pen l’incarnait et l’effondrement du Vlaams Belang constituent en soi une bonne nouvelle pour les anti-racistes belges ou français qui les ont longuement combattus. Toutefois, force est de constater que les flammes de l’enfer même apparemment déserté par le diable ne causent pas moins de tourments chez ceux qui s’y consument. La mise hors-jeu de certains vecteurs habituels des idées d’extrême-droite est paradoxalement allée de pair avec la dédiabolisation desdites idées mais aussi avec leur diffusion accrue. Il serait sot de considérer que le FN de Marine est le même que celui de Jean-Marie, tout comme il serait sot de considérer la N-VA comme un simple succédanée du Vlaams Blok/Belang malgré, dans les deux cas, une certaine congruence électorale. Mais il serait inopportun de ne pas constater une certaine similitude entre des propos tenus par l’extrême-droite « classique » et ceux qui cherchent à s’en distancier pour élargir leur assise tout en essayant de séduire en partie le même électorat.

Certains considèrent qu’il ne faut pas trop facilement affirmer qu’un parti est d’extrême droite ou raciste sous peine de banaliser ces infamantes classifications. Ils n’ont peut être pas tort mais s’abstenir de relever que certaines déclarations ou propositions sont clairement extrémistes ou racistes c’est aussi contribuer à la banalisation des idées d’extrême-droite. Le politologue Carl De Vos pourra nous expliquer que la N-VA n’est pas d’extrême-droite car « La N-VA n’a jamais fait de déclarations racistes comme a pu en faire le Vlaams Belang lorsqu’il disait que tous les Marocains, les Tunisiens et les Turcs devaient quitter le pays parce qu’ils n’appartiennent pas à notre culture et à notre identité. » , on peut se demander si les propos d’un De Wever sur les berbères, la charge d’une Demir sur le bétail électoral musulman ou les attaques du parti sur la séparation des pouvoirs, socle fondamental de la démocratie peuvent être fondamentalement différenciées des foucades extrémistes et racistes habituelles de Philip De Xinter et consort. Roger Cuckierman, l’ex- président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), avait beau nous assurer que Marine Le Pen est « irréprochable personnellement » par opposition à son père coutumier de dérapages antisémites, on peut se poser la question de savoir en quoi sa dernière saillie niant le rôle de la police française dans l’application de la « solution  finale » diffère sur le fond des éructations révisionnistes de son géniteur.

Bien sur, la N-VA, pour conclure sur ce qui intéresse au plus au point les anti-racistes belges, n’est pas le Belang et encore moins le FN, que ce soit celui de Jean-Marie ou celui de Marine. Historiquement et politiquement les différences sont substantielles, il faut bien évidemment le rappeler. Tout comme on ne peut taire le rôle de la N-VA dans la libération de la parole raciste et dans l’application d’une bonne partie des 70 propositions du Blok des années 90 (même si d’autres partis de gouvernement ont également des responsabilités en la matière). Si l’on en vient à se poser la question de savoir de quoi la N-VA est-elle le nom, on pourrait aisément faire l’hypothèse qu’elle est à la fois la cause principale de la faillite du Vlaams Belang mais aussi du triomphe de ses idées.

Carlos Crespo, président du MRAX

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