Le gouvernement belge de 2015 ou la victoire posthume de Jorg Haider ?

Partagez cet article

« J’ai été très touché par ce qui s’est passé dans ce pays, car je n’ai jamais cru que l’arrivée au pouvoir d’un parti d’extrême droite était possible en Europe. J’ai vu les risques d’un effet domino: si on ne bougeait pas face à un parti qui ne dissimule pas ses sympathies pour l’époque nazie, si on ne pose pas un acte politique fort, alors c’est la catastrophe. Car cela signifie que demain chaque parti pourra se dire que ce qui compte, ce n’est pas avec qui l’on fait alliance, c’est ce qu’il y a dans le programme de gouvernement. Cela veut dire que la démocratie autorise tacitement n’importe quel discours, la haine de l’autre, le racisme, l’antisémitisme. Accepter cette coalition, c’est tisser la corde pour nous pendre. » Les propos datent d’il y a quinze et sont du Ministre des Affaires Étrangères belge de l’époque. Pour Louis Michel qui assumait cette fonction en 2000, l’arrivée au pouvoir en Autriche d’un parti comme le FPO de Jorg Haider était totalement indéfendable même si ce dernier prétendait s’inscrire dans une logique gouvernementale et s’en tenir aux accords pris dans ce cadre. La Belgique, au sein des 14 états que comptait l’Union Européenne de l’époque, était le pays qui tenait la ligne la plus dure vis-à-vis du Gouvernement autrichien.

Il y a de quoi être perplexe aujourd’hui à la relecture de la prise de position forte du chef de la diplomatie belge de l’époque. Et pas uniquement au vu de la politique menée par certains pays comme la Hongrie qui a été plus loin dans sa politique d’asile et d’immigration que ce dont Jorg Haider avait pu rêver pour son pays. Comment ne pas penser à la N-VA, désormais première force politique en Belgique, dont certains de ses cadres festoient à l’occasion d’anniversaire de vieux nazis ou minimisent l’infamie absolue et criminelle que fut la collaboration ? Comment ne pas faire le lien entre l’attitude du parti du Premier ministre autrichien de l’époque qui expliquait que la participation au Gouvernement du FPO était balisée par le programme de Gouvernement et les partenaires de coalition de la N-VA qui argumentent que tout le monde s’en tiendra à l’accord de majorité qui repose principalement sur le socio-économique? Comment ne pas relever que cette majorité gouvernementale, certes issue des urnes et donc formellement démocratique, autorise des membres éminents d’une de ses composantes à tenir des discours de haine de l’autre (berbères, réfugiés,..)  sans paraître être très « touchée »?

Louis Michel a vu juste à l’époque. Il doit sans doute actuellement se contraindre à se taire ou se forcer à oublier. Nous n’en étions qu’au début en Europe de la banalisation généralisée du populisme et de la contamination globale du débat politique par les idées d’extrême-droite. Aujourd’hui, il ne se trouvera aucun courageux Ministre des Affaires Étrangères d’un pays européen pour dénoncer le fait que le président du premier parti de Belgique appelle publiquement ceux qu’il considère comme ses homologues à remettre en question la convention de Genève ou les opération de sauvetage des migrants en Méditerranée. Le silence ou l’oubli du héros Louis Michel constitue peut-être une des plus éclatantes victoires posthume de Jorg Haider, sa némésis à l’entame de l’actuel millénaire !

La présence d’un parti comme la N-VA au gouvernement belge, si elle passe plutôt inaperçue dans l’Europe troublée de 2015, ne peut susciter la résignation des démocrates. Le combat sans concession contre les idées d’une formation xénophobe qui construit sa majorité en agitant les peurs contre diverses minorités, qu’il s’agisse de réfugiés, de personnes issues de l’immigration ou mêmes de francophones, reste un enjeu fondamental pour ceux qui comme le MRAX sont attachés à l’égalité réelle et au droit à la différence. En tant qu’antiracistes nous sommes déterminés à ne pas laisser « tisser la corde qui va nous pendre ».

 

Carlos Crespo

Président du MRAX

Inscrivez-vous !

Vous souhaitez être tenu au courant de nos actions ?