Le droit des étrangers à vivre en famille

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Fin mai, se tenait à Francfort la dixième assemblée générale ordinaire de la Coordination européenne pour le droit des étrangers à vivre en famille. L’occasion de faire le point sur l’action d’une association dont le MRAX est membre depuis plusieurs années.

Créée en 1994, la coordination européenne regroupe à ce jour plus de quarante organisations membres issues de cinq pays (Allemagne, Belgique, Espagne, France et Italie). Elle s’ouvre désormais à de nouveaux partenariats, notamment avec des associations issues du Portugal et des dix nouveaux Etats membres de l’Union européenne (pour plus d’informations, consultez le site de la coordination : http://www.coordeurop.org.) A l’origine de la mise en place de la coordination, un constat : les textes internationaux et les droits nationaux des Etats européens ne suffisent pas, en l’état actuel des choses, à garantir à de nombreux migrants originaires des pays non européens le droit de vivre en famille. Ses principaux objectifs sont, comme le précisent les statuts, d’une part, « obtenir que soient prises, au niveau de l’Union Européenne, des mesures propres à garantir le droit de vivre en famille aux étrangers résidant dans un des États de l’Union » et d’autre part, « participer à la construction d’une Europe démocratique et sociale où les membres des familles immigrés trouvent sans discrimination leur place de citoyens ».

Afin d’apparaître comme un interlocuteur incontournable et de mieux faire entendre sa voix, la coordination européenne a, dès ses débuts, fait le choix de la spécialisation. Cette volonté l’a conduite à centrer ses réflexions sur le droit au regroupement familial. Au cours des dernières années, l’attention de la coordination s’est donc fort logiquement focalisée sur les discussions relatives à la directive du Conseil de l’Union relative au droit au regroupement familial (22 septembre 2003). Les résultats de son action furent spectaculaires puisqu’une campagne auprès des parlementaires européens a permis la mise en cause de la directive devant la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). Pour la première fois, une disposition du traité de Nice, qui prévoit que le parlement européen peut former, à l’initiative de son Président, un recours auprès de la CJCE en vue de l’annulation d’un acte du droit dérivé, trouvait à s’appliquer [1]. Si le recours du parlement s’inspire largement des remarques formulées par la coordination – le droit à la vie familiale et les droits fondamentaux des enfants mineurs sont invoqués, force est de reconnaître que l’indélicatesse du Conseil, lequel n’avait pas respecté la procédure de consultation du parlement européen avant d’adopter le texte, a également influencé la décision de saisir la CJCE. Bien que le recours soit toujours pendant, l’obligation de transposition de la directive dans le droit interne des Etats membres pour le 3 octobre 2005 au plus tard demeure. Il va sans dire que la coordination se veut attentive aux conséquences de la transposition sur les différents droits nationaux. A cet effet, elle a entrepris un travail de monitoring, une comparaison poussée des législations et des pratiques administratives relatives au regroupement familial dans six Etats membres. Ce projet vise à identifier des problématiques communes – difficultés d’obtention des visas en vue du regroupement, délai de traitement des demandes anormalement long, présomption de mariage blanc généralisée…- et pourrait conduire à intenter l’une ou l’autre action en justice dont les enseignements s’étendraient à l’ensemble du territoire de l’Union.

Un autre chantier mobilise depuis peu la coordination : l’immigration économique, principalement dans ses aspects relatifs au droit de vivre en famille. La Commission a publié en janvier dernier un livre vert sur « une approche communautaire de la gestion des migrations économiques » [2]] et a souhaité un large débat public en la matière. Ce livre vert, bien que contenant des propositions et non des décisions, inquiète en raison de la philosophie qui semble s’en dégager. A savoir, une vision utilitariste et peu humaniste du ressortissant extra-européen, accueilli à bras ouvert lorsque le marché de l’emploi en exprime le besoin [3] et prié de faire ses valises après usage. La récente audition par la Commission d’experts, de fonctionnaires nationaux et de représentants de la « société civile » (au nombre desquels un délégué de la coordination) s’étant révélée fort décevante, gageons que la coordination devra rester vigilante.

Les politiques de l’Union européenne ont un impact croissant sur le droit des étrangers au sein des Etats membres. Cette évolution ne peut être ignorée par les associations militantes. La Coordination européenne pour le droit des étrangers à vivre en famille en matière de droit au regroupement familial ou encore le réseau Migreurop en ce qui concerne l’expulsion et l’enfermement des étrangers illustrent la prise de conscience de cette nécessité par le milieu associatif.

[1] L’article 230 §2 du traité instituant la Communauté européenne tel que modifié par le traité de Nice prévoit que « la Cour est compétente pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du présent traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir, formés par un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission. »

[2] Un livre vert contient un éventail d’idées et propositions destinées à lancer une consultation et un débat sur une thématique précise. Le livre vert sur les migrations économiques est disponible sur [http://europa.eu.int/comm/justice_h…

[3] Selon le livre vert, « (e)ntre 2010 et 2030, aux taux d’immigration actuels, le déclin de la population active de l’Europe des 25 occasionnera une baisse du nombre de travailleurs de l’ordre de 20 millions. Ces développements auront un impact considérable sur la croissance économique globale, le fonctionnement du marché intérieur et la compétitivité des entreprises européennes. Dans ce contexte (…), des flux d’immigration plus soutenus pourraient être de plus en plus nécessaires pour couvrir les besoins du marché européen du travail et pour assurer la prospérité de l’Europe. »

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