Le drame des subsahariens

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Avec le drame actuel des migrants subsahariens au Nord du Maroc, l’Europe exhibe en toute clarté son dérapage et son incohérence. Absorbée qu’elle est à la construction d’une Europe élargie, augurée dès la suppression du mur de Berlin, la voilà érigeant une forteresse hermétiquement close, face à ce qu’elle appelle « clandestins », « migrants en situation irrégulière », émergeant du Sud.

Si, auparavant, le silence s’est étoffé autour des « barques de la mort » qui, en traversant le détroit de Gibraltar sèment les cadavres de milliers de Marocains le long des plages de l’Espagne, l’événement spectaculaire des Subsahariens « clandestins » escaladant les murs de Ceuta et Melilla, provoque, lui, tel qu’il a été présenté sur les écrans, un sentiment d’effroi et peut aller jusqu’à rendre licite leur oppression voire même leur mort. Déchus de leur humanité, ces jeunes, femmes et hommes, sont traités par certains médias occidentaux en tant qu’assaillants venant s’emparer de la citadelle tranquille de notre Europe.

Cette façon impitoyable de tronquer l’information est une formidable aubaine pour l’extrême droite. Le Pen, fameuse figure de cette dernière, parle déjà du « tsunami migratoire ». En s’emparant des images brutes de Subsahariens hagards escaladant les frontières de Ceuta et Melilla, il enchérit dans le même sens que ces médias : « Ces deux villes sont assiégées par une mer migratoire arrivant de Guinée et du Niger… ». Et dès lors, Le Pen et ses sbires s’autorisent aisément à étaler le traditionnel discours anti-immigré dont l’obsession est d’ « endiguer efficacement l’immigration massive du Tiers-Monde avec ses conséquences : l’appauvrissement, le chômage, l’insécurité, la peur ». Mais Le Pen, en exploitant l’événement, stigmatise rapidement « l’immense majorité des immigrés en France » qui « est de mouvance islamique » et prévient que « l’Islam, en tous les cas celui de notre temps, ne nous met pas à l’abri de sa tentation totalitaire et de sa pratique de conquête ». Ainsi l’amalgame règne en toute impunité, nous mettant tous dans la marmite islamiste. Ce discours s’enracine bel et bien dans une solidarité objective entre certains médias, la gestion déficiente par l’UE de ce dossier (migrants ; réfugiés ; clandestins ; asile, etc.) et le discours haineux et xénophobe de l’extrême droite raciste en Europe et au Maroc. Car en effet une certaine presse marocaine a poussé, elle aussi, le zèle raciste jusqu’à traiter ces êtres humains en grand titre et photo de Subsahariens à l’appui, de « criquets venant ravager le pays » !

Devant l’ampleur du désastre, le Commissaire européen Frattini en charge de l’immigration et d’obédience Forza Italia (parti anti-immigrés et xénophobe), ne semble pas vouloir rectifier le tir. Bien au contraire, pour lui, les morts subsahariens importent peu : « Ce n’est pas le moment de pointer du doigt » les responsabilités. Ce qui importe c’est d’ « aider l’Espagne et le Maroc à trouver une solution ». C’est ainsi que l’UE débloque la somme de 40 millions d’euros en faveur du Maroc, comme pour le récompenser pour ses bonnes œuvres : répression, déportation au désert, torture et tires sur les Subsahariens.

A juste titre, ce que certains médias ont qualifié d’ « assaut » contre Ceuta et Melilla sans autres repères informatifs, plonge ses racines dans une piteuse gestion du flux migratoire au Maroc. C’est que ces femmes, hommes et parfois enfants, sont acculés au désespoir et poussés au pied du mur par un climat délétère méconnue à ce jour dans ce pays. C’est que ces réfugiés se voient exposés aux pires traitements dégradants : privés de transport (les autorités marocaines ont donné l’ordre aux professionnels de la route, sous peine d’amende, de ne transporter que les détenteurs d’un récépissé fourni par le HCR !!!) ; privés également d’habitations décentes (interdiction aux propriétaires de louer à ces noirs africains). Le Maroc se noie dans un racisme virulent et honteux. Et le ridicule est que nombreux sont les Marocains de couleur, jetés dans le même panier de la suspicion et de l’ostracisme… Les Subsahariens, traqués partout, à la fois par des bandes de voyous (vol, viol, coups et blessures…) et par les autorités pour être renvoyés en Algérie, Mauritanie ou Mali, élisent domicile dans la forêt inhospitalière du Nord (les camps de Gourougou et de Belyounech) où ils continuent à être harcelés…

Franchir les barbelés aux frontières de Ceuta et Melilla devient alors pour eux synonyme de « libération », « havre de paix » pour manger, boire et se faire soigner !

L’utilisation du Maroc par l’UE en tant que garant sécuritaire, n’est-elle pas un facteur de semer le désordre et de condamner ce pays à peine sorti de 40 ans de tyrannie, à retrouver ses vieux démons, ses vieux réflexes ? Serait-ce une vocation irrévocable, pour l’UE et l’Occident, de soutenir les dictatures et de torpiller toute tentative aux ouvertures démocratiques ? La question est à l’ordre du jour !

Nous en avons marre de cette incompétence, de ce désordre, de ces inégalités criantes Nord/Sud, de ces amalgames répétitifs, de ces racismes. L’Europe doit renouer avec ses valeurs et développer une autre politique visionnaire. Notre modernité ne peut être régie par l’égoïsme et les seuls paramètres économiques. Elle exige une vision réellement humaine marquée par la responsabilité morale, par l’éthique du partage et du vivre ensemble sur notre belle et riche planète.

 

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