Le dĂ©part du Tour de France de Bruxelles est l’occasion d’une rĂ©flexion sur certaines pratiques politiques voire d’une analogie audacieuse. Il ne sera pas question ici du cynisme apparent avec lequel les autoritĂ©s de la Ville de Bruxelles gèrent la prĂ©sence de rĂ©fugiĂ©s du parc Maximilien dans la foulĂ©e du dĂ©part du Tour, sur lequel il y aurait peut-ĂŞtre beaucoup de chose Ă Ă©crire.
Revenons quelques annĂ©es en arrières. Au dĂ©but de ce siècle, Lance Amstrong règne sans partage sur le tour de France. Septuple vainqueur, il relègue ses Ă©ternels opposants Ivan Basso ou Jan Ulrich au rang de tĂ©moins de sa domination sans partage. Quelques annĂ©es plus tard, le coureurs texans sera dĂ©classĂ© pour dopage et rayĂ© du palmarès. Fait aussi intĂ©ressant qu’inhabituel, personne ne sera proclamĂ© vainqueur de ces Ă©ditions du tour. En effet, les adversaires les plus directs d’Amstrong finirent chacun Ă leur tour par ĂŞtre suspendus pour dopage. L’histoire ne retiendra que la honte d’une Ă©poque oĂą les principaux coureurs cyclistes participaient aux tour de France avaient, au dĂ©triment de l’Ă©thique et des règlements sportifs, recours Ă des produits amĂ©liorant les performance. Ainsi, toutes les magnifiques performances qui suscitèrent les commentaires enthousiastes de nombre d’experts et de supporters Ă©taient entachĂ©es par le dopage. Certaines voix comme celle de Christophe Bassons ou Fillipo Simeoni s’Ă©taient pourtant Ă©levĂ©es dans le peloton pour dĂ©noncer cette rĂ©alitĂ©. Ces deux coureurs furent humainement ostracisĂ©s et sportivement dĂ©faits durant le reste de leur carrière.
Il est possible de faire un parallèle avec la rĂ©alitĂ© politique actuelle en Belgique et ailleurs. La xĂ©nophobie devient un moyen d’amĂ©liorer les performances de politiques, mĂŞme parmi les plus mĂ©diocres. D’aucuns semblent considĂ©rer qu’expliquer son programme ou Ă©voquer son bilan ne sont pas les meilleurs moyens de convaincre les Ă©lecteurs. Il faut surtout attiser leurs peurs ou conforter leurs prĂ©jugĂ©s. La communication politique semble servir surtout Ă critiquer l’altĂ©ritĂ© nĂ©cessairement dĂ©rangeante voire menaçante. La popularitĂ© d’un ThĂ©o Francken avec ses saillies rĂ©gulières dans les mĂ©dias et dans les rĂ©seaux sociaux accrĂ©dite l’idĂ©e d’une partie du monde politique qu’il y a une manne Ă©lectorale xĂ©nophobe dont il est possible de se saisir au dĂ©triment des valeurs dĂ©mocratiques dont notre sociĂ©tĂ© se revendique. Ceux qui respectent le droit Ă la diffĂ©rence et ne veulent pas se faire Ă©lire grâce Ă leurs foucades sur les migrants, les musulmans ou les roms sont soumis Ă la concurrence dĂ©loyale de politiciens qui prĂ©fèrent s’adresser aux affects de l’Ă©lectorat plutĂ´t qu’Ă sa raison. Cela pose au moins deux questions. La première est d’ordre Ă©thique. Les Ă©lus de la Nation se doivent de faire passer l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral avant leur calcul carriĂ©riste. Faire de la politique c’est reprĂ©senter le peuple et non le segmenter entre la partie qui nous rapporte des voix et la partie sur laquelle on veut jeter l’opprobre. La seconde question est d’ordre juridique. La libĂ©ration de la parole raciste constatĂ©e ces dernières annĂ©es sera difficilement rĂ©versible si on ne sanctionne pas ceux qui l’ont rendue possible. Or, sachant que notamment pour les raisons Ă©voquĂ©es plus haut, un certain nombre d’homme et de femmes politiques ont une lourde responsabilitĂ©, il est temps de rĂ©flĂ©chir Ă la portĂ©e de l’immunitĂ© dont la plupart d’entre eux bĂ©nĂ©ficient en raison de leurs responsabilitĂ©s. Cette disposition, historiquement justifiĂ©e pour permettre aux Ă©lus de travailler en toute sĂ©rĂ©nitĂ©, ne peut ĂŞtre un moyen de contourner la lĂ©gislation sanctionnant les appels Ă la haine, Ă la discrimination ou Ă la violence.
La xĂ©nophobie est devenue en politique une sorte de produit dopant presque aussi rĂ©pandu dans le monde politique que l’EPO dans le peloton d’il y a vingt ans. Au dĂ©triment de l’Ă©thique et des règles, elle amĂ©liore les performances de ceux qui l’instrumentalisent, pĂ©nalise ceux qui se refusent Ă y avoir recours et trompent ceux qui sont spectateurs. La seule diffĂ©rence, mais elle est fondamentale, est que dans le cas de la xĂ©nophobie, il y a des personnes qui ont Ă subir dans leurs chairs l’infraction Ă l’Ă©thique et Ă la règle. La lutte contre cette pratique honteuse doit donc revĂŞtir une prioritĂ© absolue dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique. Il est temps de rayer du palmarès politique ces aventuriers sans scrupules.