Les observateurs avaient annoncé une vague verte à l’occasion des élections du 26 mai. Si le total des élus écolos et groen a bien augmenté dans l’ensemble des assemblées parlementaires et notamment à l’échelon fédéral à hauteur de neuf sièges, on serait presque tenté de qualifier cette victoire indiscutable de vaguelette verte par rapport aux prévisions de certains. Le score du PTB était moins attendu mais s’avère remarquable avec une hausse de dix sièges et confirme l’émergence d’une nouvelle offre politique, tant au nord qu’au sud du pays et la tendance à la baisse des partis dit traditionnels. La N-VA, malgré son discours anti-establishment récurent, enregistre lors de scrutin une perte de huit sièges et semble désormais sanctionnée suite à sa présence au pouvoir depuis dix ans au niveau régional et presque cinq ans au niveau fédéral. Dans le monde de l’antiracisme, le recul d’une formation politique qui a principalement fait parler d’elle ces dernières années par ses attaques envers certaines minorités aurait pu susciter un enthousiasme sans précédent. Toutefois, pour une organisation comme le MRAX, si l’on excepte la disparition de l’extrême-droite francophone qui depuis le siècle dernier ne comptait guère plus qu’un siège par législature à la chambre des représentants, il y a peu de raison de se réjouir du résultat des élections du 26 mai 2019. En effet, Le Vlaams Belang, avatar historique policé du Vlaams Blok contraint à se dissoudre en raison de sa propagande raciste il y a une quinzaine d’année, voit son nombre de parlementaires augmenter de quinze unités. Cette situation a de quoi interpeller les militants antiracistes à au moins deux niveaux.
Tout d’abord, au niveau politique. Il est parfois pesant voire pédant d’avoir raison trop tôt. Il n’empêche que cela fait des années que le MRAX, à travers ses communiqués et ses prises de positions publiques, dénonce la libération de la parole raciste. Celle-ci amène tout naturellement à la libération de l’acte raciste. Cette dernière année, différentes agressions, dont certaines furent particulièrement violentes, ont d’ailleurs défrayé la chronique. La parole raciste, peut être relayée par n’importe quel quidam, guidée par ses peurs et ses préjugés mais elle ne peut être amplifiée que par des individus ayant un accès récurrent aux médias. Ainsi des cadors de la N-VA comme Bart De Wever, Jan Jambon ou Théo Francken ont régulièrement pris à partis différentes minorités comme les berbères, les musulmans ou les réfugiés. La parole raciste s’est ainsi propagée du café du commerce à la rue de la loi. La N-VA a été jusqu’à faire tomber avec fracas un gouvernement sur la question du pacte migratoire des Nations Unies. Durant cette législature, la droite extrême de la N-VA n’a eu de cesse de paver la voie triomphale de l’extrême-droite du Vlaams Belang. Le plus inquiétant est que tout le monde ne semble pas avoir tiré les leçons de cette funeste séquence. En effet, certains ne ferment pas la porte à une nouvelle aventure de la N-VA au gouvernement avec une prévisible surenchère continue aux côtés d’un Vlaams Belang fortifié par son statut de grand parti d’opposition.
Ensuite, au niveau juridique. La question du racisme du Vlaams Belang pourtant assumé par une figure proue comme Filip De Winter ne semble pas si évidente pour certains acteurs qui sont rassurés ou feignent d’être rassuré par la figure de Tom Van Grieken, sorte de gendre idéal. Il serait presque l’incarnation d’un extrémisme de droite « à visage humain ». Cette manière de voir est une offense à la vérité et à la mémoire de ceux qui, à l’instar des fondateurs du MRAX ont lutté contre le fascisme. Le Vlaams Belang doit être combattu par tous les moyens nécessaires. La prudence tactique de Van Grieken, inspiré de celle d’une Marine Le Pen qui l’a ouvertement soutenue, ne doit aucunement tromper les démocrates et les progressistes. Les armes juridiques doivent être mobilisés notamment contre les paroles et les actes et les paroles de De Winter et de Dries Van langhevove, désormais député et toujours à la tête de la milice néo-fasciste « Schild en Vrienden ». Cela pose diverses questions et notamment celle de l’immunité parlementaire qui pourrait éviter de voir ces sinistres individus répondre de leurs outrances xénophobes. Il y a lieu de questionner la portée actuelle de la loi du 30 juillet 1981 à l’heure du Vlaams Belang 2.0. qui a construit une partie significative de son succès les réseaux sociaux, trop souvent des zones de non-droit en ce qui concerne la législation anti-discrimination. Un autre problème qui va se poser avec insistance est la priorité donnée par un pouvoir judiciaire, financièrement exsangue, aux délits racistes. Trop souvent, nos services ont constaté la longueur conséquente du traitement des plaintes pour racisme. L’avènement du Vlaams Belang doit forcer les antiracistes de ce pays à envisager le renforcement des moyens légaux de lutte contre le racisme.
Le Vlaams Belang nouveau n’est pas sans rappeler la pièce de Berthold Brecht, la résistible ascension d’Arturo Ui. Dans cet œuvre, Arturo d’abord moqué par ses contemporains en raison de ses attitudes et de ses propos, s’humanise progressivement et arrive à prendre le pouvoir. Son ascension était résistible mais ils n’ont pas voulu lui résister. En espérant qu’il se trouve, suffisamment de résistants dans le monde politique pour s’opposer à la résistible ascension de Tom Van Grieken. Leur point de ralliement dans la difficile constitution d’un gouvernement fédéral pourrait être l’engagement ferme d’élaborer le plan d’action fédéral contre le racisme attendu depuis 2001. Il y a à présent une urgence antiraciste!