La double nationalité ou le procès d’intention permanent de déloyauté à l’égard de la Belgique

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L’actualité est parsemée d’exemples de citoyens belges disposant d’un statut légal spécifique lié à leur origine géographique dont les actions, les situations et même les opinions réelles ou présumées suscitent des débats parfois très vifs. Il s’agit des binationaux, disposant à la fois de la nationalité belge et de celle de leur pays d’origine. Dans la foulée de certains cas médiatisés, ils ont à subir un procès d’intention qui ne manque pas d’interpeller les thuriféraires de l’égalité réelle que nous sommes. Évidemment, certains actes, certains engagements, certaines prises de position de ces personnes peuvent être critiquables et il est légitime de les critiquer. Il convient de rappeler toutefois certaines évidences notamment pour contrer une tendance, qui transparait parfois en arrière-fond de ce genre de débat, à savoir l’assignation identitaire et la suspicion récurrente à l’égard de certaines composantes de notre société.

Tout d’abord, le fait de disposer d’une autre nationalité que la nationalité belge n’implique pas à priori d’être moins attaché aux institutions, à la collectivité et aux lois fondamentales de notre pays. Cela n’implique pas non plus en soi le contraire, bien évidemment. Toutefois, il faut convenir que les citoyens binationaux n’ont nullement le monopole de la défiance idéologique et politique à l’égard de la Belgique. Il n’y a qu’à voir certaines positions affirmées par les indépendantistes flamands à qui on fait plus rarement un procès en déloyauté. Avant de comprendre que son discours sur l’immigration pouvait également plaire à certains « patriotes » belges francophones, Théo Francken n’avait aucun problème à exprimer sa détestation de la nationalité belge.

Ensuite, la binationalité comme tout statut légal peut bien sûr être remise en question. On peut trouver cela inopportun comme principe. Au niveau juridique c’est un peu plus complexe. Elle se fonde sur des législations nationales spécifiques qu’un autre Etat ne peut remettre en question puisqu’elles ne sont pas de son ressort. Même un citoyen concerné qui voudrait que son pays d’origine lui retire sa nationalité ne pourrait pas toujours y parvenir facilement.

Par ailleurs, lorsqu’on en dispose, le fait de vouloir garder une double nationalité demeure un droit, fut-il octroyé par un autre Etat. Que des personnes veulent en jouir car elles demeurent attachées à leur racines familiales, pour s’ouvrir davantage de possibilités au niveau de leur parcours de vie ou parce qu’ils n’ont pas envie de s’encombrer de pesantes démarches légales n’a qu’une importance fort relative. Encore une fois, on peut toujours s’interroger du point de vue théorique sur le bienfondé d’une norme qui permet à un belge de disposer également de la nationalité d’un autre pays. Ce qui est, par contre, inacceptable, c’est de mettre à mal les droits fondamentaux d’un citoyen belge parce qu’il dispose d’une autre nationalité. L’égalité de traitement doit rester un principe fondamental entre belges nationaux et binationaux. Nous gardons en mémoire la manière dont l’Etat belge s’est désintéressé du cas emblématique d’Ali Aarras, citoyen incarcéré depuis des années dans un pays dont il possède également la nationalité. Les affaires étrangères n’ont pas daigné lui accorder l’assistance consulaire dont il aurait pu bénéficier s’il n’avait eu que la nationalité belge…

Pour conclure, il est essentiel de rappeler, une nouvelle fois, l’article 10 de la Constitution prévoit que tous les belges sont égaux devant la loi. Les binationaux sont des citoyens à part entière avec des droits et devoirs. Rien ne justifie un procès d’intention pour déloyauté à l’égard de la Belgique.

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