En Belgique, on glorifie un meurtrier-collectionneur de restes humains

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Le 26 avril 2018

Communiqué de presse

Au cœur de Bruxelles, à quelques minutes du quartier Matongé, le buste d’un homme surplombe le square de Meeûs. Si on cherche à connaitre l’histoire inspirante derrière cette statue, la plaque qui l’accompagne ne nous donne que trop peu d’informations. Il s’appelait Storms, il est né en 1846, mort en 1918 et il était Lieutenant Général. Si notre curiosité s’arrête là, on suppose qu’il s’agit d’un militaire dont les exploits furent tels que l’Etat belge a jugé opportun d’ériger un buste à son effigie.

Si on creuse un peu, comme l’a fait le journaliste Michel Bouffioux que nous félicitons pour son travail d’enquête, on découvre que cet homme collectionnait les cranes de ses ennemis dans les premiers temps de la colonisation au Congo. Emile Storms commandait alors la 4ème expédition de l’Association Internationale Africaine dans la région du Lac Tanganyka. Sous les ordres de Léopold II, il faisait partie des chefs de file de l’entreprise de conquête coloniale que les belges menaient en Afrique.  Pour assoir sa domination et celle de son armée, il s’est livré à une guerre de territoire sanguinaire. Les villages des chefs locaux qui refusaient de se soumettre à son autorité étaient systématiquement incendiés et pillés, les femmes violées.

Mais Storms n’était pas qu’un soldat qui exécutait les ordres venus d’en haut. Il était ardent défenseur de l’idéologie raciste et convaincu de la supériorité des blancs européens. En témoignent les trois cranes de chefs insoumis qu’il ramena en Belgique comme des trophées des crimes qu’il a fièrement commis ainsi que les extraits de son journal conservé au Musée de l’Afrique centrale à Tervuren. Cette histoire méconnue du grand public n’est pas celle d’un seul homme.  Storms n’a jamais été condamné. Pis, à son retour, il est félicité par les autorités, invité à raconter ses aventures africaines et à exhiber ses « butins de guerre » macabres. Son zèle et son investissement dans la mission « civilisatrice » de l’Afrique centrale lui a valu d’être décoré à de nombreuses reprises.

Aujourd’hui, deux des trois cranes sont toujours conservés à l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) mais n’ont jamais été exposés. Rangés puis oubliés, ces restes humains ont eu le même destin que l’histoire qu’ils renferment.

Il est pourtant inadmissible qu’aucun débat public n’ait été ouvert sur les conditions violentes dans lesquelles ces restes humains ont été collectionnés ou encore sur la légitimité d’une sculpture publique à la gloire d’un meurtrier raciste. Que cet homme jouisse d’une reconnaissance sociale alors qu’aucun devoir de mémoire n’a été entrepris et assumé par l’Etat belge sur cette partie de son histoire coloniale en dit long sur le travail qu’il reste à accomplir pour permettre la reconnaissance des responsabilités.

Si aujourd’hui, tous les partis politiques semblent d’accord sur la nécessité de rendre les restes à la RDC et aux familles des victimes, il existe d’autres initiatives que les autorités pourraient mener pour affirmer leur opposition à ces crimes coloniaux. A commencer par retirer ce buste et le remplacer par celui d’une personnalité dont l’engagement pourra inspirer notre génération et celles qui suivront. Patrice Lumumba ferait amplement l’affaire. Ou encore apposer une plaque près du buste qui relate le parcours d’Emile Storms pour affirmer que nous assumons notre histoire et que nous sommes prêts à en tirer les leçons. Au final, ce ne sont pas les opportunités qui manquent pour transformer nos reliques en outils de lutte contre le racisme et la violence sous toutes ses formes.

 

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