Les lauréats du Concours Ma Plume Contre le Racisme 2018

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Le premier prix a été attribué à Chatellier Nicolas de l’Institut Saint-Luc de Tournai

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« Une chance pour tous »

Si j’ai écrit ce texte c’est pour nos porte-plumes,
Ceux qui taffent, ceux qui se dissipent avec la fume,
Tous ces gens stockés qui squattent sur le bitume,
Pour mieux vivre « nous fûmes ce que nous pûmes ».

Ce qu’ils purent n’était pas rose,
Chacun s’occupe de son nombril,
Et survivre dans ces quartiers morose,
N’est vraiment pas facile.

Toutes ces populations stockées,
Dans des bâtiments tout de ciment,
Des blocs tous empilés appelés quartiers,
Pourquoi ces conditions ? Ce sont quand même des êtres vivants.

Vivre dans ces conditions est difficile,
Et je me sens en droit de les plaindre,
En y pensant, les larmes dépassent des cils,
Que leurs possibilités sont moindres !

Quand on veut, on peut, c’est ce que dit le proverbe,
Tandis que certains travaillent or qu’ils sont imberbes,
Tellement réel que ça en donne la gerbe,
Ça vend de la blanche, ou bien seulement de l’herbe.

L’argent est pris là où il est trouvé,
Alors ces gens observent le choix,
Briser les règles, vivre comme un roi,
Ou mettre la blouse et le tablier.

La haine subsiste envers les gens de couleurs,
La police violente ces basanés,
Bleu, violet, rouge sont imposés pour noir ou beur,
Nos gens de couleurs prennent les coups des policiers.

 

Tous égaux à la naissance, c’est bien beau mais après ?
L’égalité entre les hommes tout ça reste à démontrer,
En tout cas, c’est en train d’évoluer,
Tous ces cas vont peut-être changer ?

Le changement, c’est maintenant.
Et maintenant, on est en marche.
Mais toujours des tas de migrants,
Vivent sous les ponts et les arches.

Crois-tu réellement que ces gens ont eu le choix ?
Crois-tu que pour vivre, ils auraient choisi cette voie ?
As-tu ouïe cette histoire à Aulnay-sous-Bois,
Ou celle de cette marche en quatre-vingt-trois ?

Parce que cette dernière a été passée sous silence,
Cela dit, nous avons de la chance,
Parce que c’était bien pire en France,
Avant, il y a eu tant de violence.

La violence cela dit existe toujours envers ces gens,
Aux Etats-Unis sont les exemples les plus violents,
Et ce sont les mères qui pleurent leurs enfants,
Comment cela pouvait-il être pire avant ?

As-tu eu vent de cette époque ?
Quand, sans se soucier des retombées,
Des policiers tuaient des jeunes un peu bronzés,
N’y a-t-il rien qui te choque ?

Si chaud qu’allume la flamme,
Tant d’artistes qui nous le déclament,
Comme cet ex-rappeur IAM,
Parlent de la marche, ces causes qui rament.

La marche a été faite suite à une mort,
C’était celle de Djaïdja,
Durant la marche, la tuerie continua,
Elle relança la marche plus fort.

C’était une marche pour l’égalité, pas pour les beurs,
Ils marchèrent et chantèrent tous en cœur,
Les gens franchirent leurs peurs,
Et donnèrent à la marche de l’ampleur.

En pleurs pour ces victimes La France, nouveau chant de révolution,
Allons, enfants de la patrie, marchons,
Allons jusqu’à Paris venger tous ces crimes.
Tous les cris qui réveillèrent Mitterand,
Ce dernier assurant avec civisme,
Une carte séjour et travail de dix ans,
Et des lois contre les crimes racistes.

Est-ce réellement suffisant ?
Moi j’en doute fortement,
Voyant la seconde génération,
Vivant le même type de situation.

Le gouvernement est en marche dit Macron,
Pendant que les policiers nous feront courir,
L’égalité du monde que nous bâtirons
Se fera même si certains devaient en mourir.

 

Le deuxième prix a été attribué à Rémy Demarez du Lycée provincial Hornu-Colfontaine

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Tu pointes du doigt les arabes, les noirs et les chinois.
Vois plus loin que ton nombril, on vient tous du même endroit.
Dans le monde des millions de gens sont dans le désarroi.
Faudrait peut-être arrêter de ne penser qu’à toi.

On est des milliards sur cette terre.
Certains traversent des montagnes et des mers.
Tu ferais quoi, toi, si notre pays était en guerre ?
Alors réfléchis un peu avant de mettre des barrières.

Pourquoi t’es raciste, dis-moi, pourquoi t’es pas content ?
Les raccourcis que tu empreintes sont vraiment insultants.
Dans l’équation, pour toi, terroriste égal musulman.
Les amalgames attisent la haine et font couler le sang.

Tu les trouves si différents de toi ceux que tu appelles étrangers ?
Arrête de flipper, ils cherchent juste un toit et à manger.
Ça te ferait quoi à toi, si chaque semaine t’étais délogé ?
Moi, je prie le tout-puissant pour qu’ils gardent la force d’avancer.

L’autre, tu l’appelle bougnoule, bamboula ou négro.
Tout ça parce qu’il n’a pas la même couleur de peau.
Mais ce mec est comme toi, il pays ses impôts.
Et chaque matin, il se lève pour aller au boulot.

Au fil des siècles, le racisme a fait des ravages.
Et aujourd’hui, des gens subissent encore l’esclavage.
Très peu s’en préoccupent, je trouve ça vraiment dommage.
Car pour oublier l’histoire, il ne suffit pas de tourner la page.

N’oublie pas que l’Afrique est le berceau de la civilisation.
Peut-être que tu t’en fous car ça ne passe pas à la télévision.
C’est plus facile de te limiter à tes vulgaires émissions.
Mais moi, je garde espoir comme un cancéreux en rémission.

Mon rêve le plus fou, c’est que nous soyons tous unis.
Que nous unissions nos forces pour aider les plus démunis.
Je rêve que la paix règne entre tous comme le voulait Gandhi.
Parce qu’en ce moment, il faut le dire, c’est pas le paradis.

Les gens sont aveuglés en disant que ça va aller.
Mais si on veut que ça change, il va falloir se bouger.
Il suffit de regarder les gens par lesquels nous sommes dirigés.
Ces salauds d’extrémistes, faut surtout pas les écouter.

Il n’y a pas grand monde qui aborde les sujets qui fâchent.
Ça n’avancera jamais si on se voile la face.
Puisqu’on est sur cette terre, autant laisser une trace.
Et vous verrez qu’ensemble, on sera plus efficace.

J’ai vu tellement d’horreurs, pour moi, la coupe est pleine.
Quand je décompte les étoiles, je me dis qu’un jour je serai une d’elles.
Je ne surveille pas mes paroles, je ne fais pas dans la dentelle.
Car j’ai la rage au ventre, je veux que le monde se réveille.

Je ne peux pas dire ce que l’avenir nous réservera.
Je ne peux pas prédire qu’un jour le racisme cessera.
Mais je te demande de faire un effort et d’ouvrir grands les bras.
Parce que l’avenir c’est maintenant, et ça commence avec toi !

Le troisième prix du concours a été attribué à Quaghebeur Rémi de l’Institut Saint Luc de Tournai

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« Alors, marchons »

Dans ma rue, le soleil éclaire autant que les voitures.
On veut que ça change, on se bat, à en risquer la fracture.
Tuer la haine, par la haine, c’est un peu bête.
Parcourir le chemin de la réussite, c’est impossible en claquette.
Alors marchons, marchons, marchons.

Depuis le début, on nous met des bâtons dans les roues.
Alors on enfile nos chaussures, on marche, on traverse la gadoue.
À la base, on est venu pour avoir la paix.
Mais pour attaquer un gosse avec un chien, il faut être vachement dérangé.
Alors marchons, marchons, marchons.

Ce sont les personnes vêtues de soie qui nous infligent le béton.
Dans la rue, faut pas avoir peur si tu veux pas béton.
Depuis petit, je promets à ma mère de la sortir de là.
Désolé maman, je ne serai jamais avocat.
T’imagine la claque, un noir en haut, et eux en bas ?
Alors marchons, marchons, marchons.

La galère, les blocs, la cité, c’est comme une boite dont on n’a pas la clef,
On y trouve pas nos places, on s’y sent mis de côté et méprisé,
Alors on deale, on vend de la drogue, on fait de la tune, des billets verts,
Mais moi je veux me faire entendre, sortir de ce calvaire,
Alors marchons, marchons, marchons.

On aime pas trop les matraques, mais on se les prendra si il faudra.
Marchons comme Ghandi, avec des grands pas,
Oublions la colère et la haine, et tout cela fonctionnera.
Solide comme Toumi Djaïdja, la liberté vaincra.
La soumission, c’est pas pour moi.
Alors marchons, marchons, marchons.

On marche à la force de nos jambes,
Regardez-nous bien, il n’y en a aucun qui tangue.
La route n’est pas toujours toute droite.
Mais on est resté bien trop longtemps enfermé dans nos boîtes.
Alors marchons, marchons, marchons.

On est poussé par la haine, mais on continue par amour.
On sait pas si ça fonctionnera mais en tout cas on fait tout pour.
On donne tout à en suer des litres,
Regardez-nous bien, aucun ne fait le pitre.
Alors marchons, marchons, marchons.

Dans notre marche, chaque pas est important.
Comme si un ou deux mètres signifier tant,
À chaque kilomètre un marré d’honneur,
Mais comme chacun vient du béton, aucun ne pleure,
Alors marchons, marchons, marchons.

Pour la première fois de ma vie, j’aurai accompli quelque chose
Le but c’est de faire de tout ce vacarme, une histoire enfin close.

Un prix spécial « coup de cœur » a été attribué à Moreau Lucile de l’Institut Sainte Union de Dour

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Paris, le 3 décembre 1983.

Le jour où elle est arrivée, elle ressemblait à une petite poupée, elle avait la peau caramel mais ne laissait paraitre que son visage. À l’époque, je devais avoir dix ans, je n’avais pas compris pourquoi, alors j’ai demandé à mes parents. Ils m’ont répondu « c’est parce qu’elle n’est pas comme nous, Arthur. ». Je pense qu’ils auraient voulu m’instaurer une image négative, en réalité, je n’avais pas vraiment d’avis, elle m’intriguait, c’est tout. Je ne pouvais m’empêcher de l’observer, elle était douce comme un soir d’été, quand la cloche retentissait et qu’elle passait devant moi, elle laissait derrière elle une odeur de menthe … Et puis elle souriait, elle souriait constamment, d’un sourire sans faille, ni défauts que rien n’avait l’air de pouvoir troubler.

Un jour à l’heure de manger, je l’ai vu assise, seule, contre un mur de la cour principale. Elle n’avait pas l’air d’avoir à manger, ça m’a fait de la peine, alors j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé vers elle. Elle a levé les yeux et m’a souri, je lui ai alors tendu la moitié de mon dîner et c’est à ce moment qu’elle m’a adressé la parole pour la première fois. Sa voix était aussi douce que ces gestes, on aurait dit du miel, « merci » m’a-t-elle dit, c’était incroyable. Je me suis assis à ses côtés et depuis ce jour nous sommes devenus inséparables.

Elle ne parlait pas beaucoup, en fait je ne suis même pas sûr qu’elle comprenait tout ce que je lui disais, au début. Elle se contentait d’écouter, de hocher la tête, de sourire, de rire, mais quand elle riait, mon dieu quand elle riait, de toutes ses dents et de tout son cœur, c’était impossible d’être malheureux, tous les problèmes du monde, la mort de De Funès, Drakkar, tout disparaissait en un éclat de rire.

Mes parents n’étaient pas enchantés de cette amitié naissante, mais ne s’y opposaient pas non plus, « ce ne sont que des enfants » avait dit ma mère à mon père quand il a froncé les sourcils, « ça ne va pas durer » avait-elle enchaîné. Dommage pour eux, ça a duré, deux après notre rencontre, nous étions toujours inséparables, c’était devenu ma meilleure amie, elle savait tout de moi, les rêves, les injustices, les peurs, tout ce qui pouvait me passer par la tête, elle le savait, l’écoutait.

« Tu es grand pour moi » elle m’avait dit, un jour où je me plaignais encore de ne pas grandir et elle m’a pris la main, pas une fois de la récré, elle ne l’a lâchée. Nous n’étions que des enfants alors évidemment les autres ont commencé à parler, un jour où je suis passé dans un couloir j’ai entendu « regardez, c’est l’amoureux du fantôme ». Je n’avais jamais osé lui poser la question qui me brûlait les lèvres, « mais pourquoi tu te couvres comme ça ? ». Après une énième remarque qu’elle balayât d’un revers de main, j’ai fini par craquer … « Pour ne pas offenser mon dieu », m’avait-elle répondu. « Comment ça ? » Elle avait l’air confuse. « En réalité, je ne sais pas vraiment Arthur, ça a toujours été comme ça. Ma mère me dit que c’est comme ça pour nous les femmes ». « C’est vrai ? Mais tu ne vas jamais à la piscine ? » Et encore une fois, elle éclata de rire, magnifique, vous auriez dû la voir … À ce moment, j’ai serré sa main un peu plus fort. J’ai croisé son regard et en une seconde j’étais amoureux. Elle a dû être intimidée car au bout de quelques instants, ses jolies joues caramel sont devenues pourpres et elle a baissé les yeux. Je devais avoir douze ans à ce moment-là. On a continué comme ça un moment, à nous tenir la main innocemment, à nous regarder pendant de longs instants. Elle a dû tout de suite le savoir, que je l’aimais, mes yeux ne savaient dire que ça : « Je t’aime ».

Nous sommes donc devenus dans cet ordre ; amis, confidents, amoureux, puis bien des années plus tard, cinq exactement, amants.

C’était elle, ça a toujours été elle.

Mes parents, bien sûr, n’étaient pas au courant, les siens non plus d’ailleurs, je n’en entendais pas parler souvent. La plupart du temps, nous nous retrouvions en cachette, un couple d’amoureux cachés comme Roméo et Juliette, voilà ce que nous étions. L’école buissonnière, on connaissait, ça oui ! Ce nombre infini de merveilleux moments que nous avons pu passer, j’en frissonne encore.

Mais un jour, alors que nous devions nous retrouver au petit cinéma du coin, son sourire, celui qui remplissait mes journées de soleil, n’était plus là. Ses yeux étaient remplis de chagrin, « Je dois partir » a-t-elle dit.

Les religions, les guerres, les attentats, mais je ne m’y étais intéressé jusqu’à ce jour. Bien sûr, je savais qu’elle n’était pas française de pure souche. « Et alors ? » je me disais, et si on l’avait envoyée ici pour moi ?

  • Non, j’ai dit en prenant ses mains doucement.
  • Je ne rigole pas, Arthur, m’a-t-elle répondu, en les lâchant brutalement.
  • Où tu vas ?
  • Là d’où je viens, ses yeux sont remplis de larme.
  • Et tu reviens quand ?

Sa réponse aurait été une lame, ça m’aurait fait le même effet. « Je ne reviens pas, je vais vivre là-bas. » Ses joues étaient noyées.

  • Non, j’ai répété d’un souffle.

Pas un mot de plus, rien. Et elle est partie, le pas lent, la tête baissée et moi comme un imbécile, figé, incapable de penser, de réfléchir. Je suis resté là un moment, appuyé sur un mur abîmé où je voyais dorénavant nos longs baisers s’éloigner comme elle s’éloignant à l’horizon.

Quand je suis rentré à la maison, je n’ai rien dit, mon monde venait de s’écrouler mais je n’ai rien dit, d’ailleurs je n’ai plus prononcé un seul mot pendant des jours. Des nuits passées, les yeux ouverts, l’esprit ailleurs, à ses côtés, sans doute …

J’y suis allé vous savez, là où elle habitait, j’ai tambouriné à sa porte jusqu’à épuisement, et je me suis effondré. Tout était brisé à l’intérieur de moi, c’était elle, comme je l’ai dit, plus rien n’était possible sans elle.

Un homme est arrivé, petit, mal rasé, en peignoir.

« Ça ne va pas mon garçon ? Tu cherches la famille Arib ? »

J’ai hoché la tête.

« Mais enfin petit, y a plus personne ici, renvoyée la petite famille ! Des clandestins qu’c’étaient, imagine la tête du proprio quand il l’a appris, la mère a déjà dû faire des pieds et des mains pour avoir l’appart, parce que, l’proprio, qu’est-ce qu’il peut être raciste, mon gars, alors quand il a appris qu’ils n’avaient même pas de papiers, c’était pas beau à voir tu peux m’croire.

« Allez ressaisis-toi gamin »

Aujourd’hui, j’ai 27 ans, 10 sont passés. Et quand, dans deux heures, mon réveil sonnera, je marcherai, contre le racisme, contre ce proprio, contre mes parents, contre tous ces gens qui ont participé au renvoi de la famille Arib, contre la perte de mon amour et cette attente interminable qui l’a suivi.

 

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