Les grévistes de la faim ont décidé de suspendre leur grève. Nous voulons leur dire tout le respect que nous avons pour ces mois d’actions qu’ils ont menées.
Merci d’avoir réveillé nos consciences. Merci de nous avoir rappelé qu’être des personnes sans-papier n’est pas vivre sans identité. Pour que cette identité, cette simple humanité, soit reconnue, vous avez exposé votre vie, donné ce témoignage à vos enfants, dans cette douleur extrême de risquer de les perdre : il vaut mieux ne plus vivre que de ne pas vivre debout. C’est ce message que nous ressentions en entrant dans l’église du Béguinage, à la VUB et à l’ULB.
Cette souffrance, ce silence : là où tout se tait. Silence et indifférence aussi du gouvernement qui détournait son regard. Mais il est des moments en démocratie, moments rares mais essentiels, où l’on se trouve face à une prise de décision personnelle. À ce moment, nul ne peut se cacher derrière son statut, un accord de gouvernement, une discipline de parti. Un moment où il faut oser croiser les regards de ces femmes, de ces hommes dans lesquels la mort rôde.
Depuis 20 ans, l’Office applique cette vieille tactique de diviser pour régner.
Chacun sait que si un seul d’entre eux meurt, ce sera une fracture irréversible dans nos communautés. Une blessure vive qui jamais ne se cicatrisera parce qu’elle contaminera tous ces discours basés sur le vivre ensemble, la bienveillance, l’inclusion de chacun et surtout des plus fragilisés. Ces discours qui les croira ? Aujourd’hui, vous avez réussi à faire reculer ceux qui disaient refuser toute régularisation collective. Vous avez imposé vos discours de solidarité que, trop longtemps, le gouvernement a réussi à bâillonner. Vous avez donné à notre démocratie ce beau cadeau de faire, de faire dire à nos parlementaires « Merde alors, à quoi je sers si je ne peux même pas empêcher un homme de mourir uniquement pour ce qu’il est : un migrant ». Vous avez réussi à ouvrir une faille d’humanité dans laquelle nous devons tous, nous engager, nous engouffrer. Sur le fond, c’est vrai, ils n’ont rien cédé. Depuis 20 ans, l’Office applique cette vieille tactique de diviser pour régner. De faire semblant de croire que ceux qui font la grève le font pour se sauver eux-mêmes alors que c’est d’une régularisation collective que vous parlez, une commission indépendante que vous revendiquez, des critères de régularisation justes, clairs, précis pour tous que vous exigez.
Pour tenter de sortir de cette crise, le Secrétaire d’État a fait usage de ce que justement nous contestons : ce pouvoir discrétionnaire d’un autre siècle. Il a voulu démontrer que ce pouvoir lui permettait de tout interpréter : un 9 bis aux contours indéfinis, une possibilité de travail dans un contexte de Covid ou encore le recours à ce fameux article 9 ter de régularisation médicale comme si faire une grève de la faim était une pathologie que l’on ne pouvait soigner dans le pays d’origine. Il a enfreint toutes les règles et jurisprudences dont les juridictions administratives sont gardiennes. Plutôt que d’accepter de changer la loi en dialoguant avec les grévistes, en écoutant la société civile, les Universités, en ayant un débat au Parlement, il a préféré faire usage d’un pouvoir discrétionnaire qui, ici, était un pouvoir de vie ou de mortMonsieur le Premier ministre, vous êtes le « Premier » d’un gouvernement qui se veut solidaire. Mais, en certaines circonstances, vous devez également parfois prendre vos responsabilités de « Premier » ministre.
Monsieur de Croo, la politique est faite pour des « êtres humains » ; là où la souffrance des migrants devient insupportable ; là où une vie humaine de migrants est mise en danger de mort comme durant ces derniers 54 jours, vous devez reprendre l’initiative. Reprenez la loi du 22 décembre 1999. Son article deux qui définit clairement les critères de régularisation, précisez son article 9,9° établissant le délai de présence en Belgique dont le migrant doit apporter la preuve. Faites-le sur base de l’analyse de cette loi, 20 ans après, avec les migrants, la société civile et les Parlements. Reprenez l’article 3 de la loi qui fonde une commission indépendante de régularisation, commission d’avis présidée par un magistrat, qui vous permettra enfin de fonder une politique d’intégration et d’immigration.
Le contexte du vote de cette loi du 22 décembre 99 n’est pas différent de celui d’aujourd’hui ; car le gouvernement de l’époque avait une majorité identique à la vôtre ? Comme dit Grand corps malade :« Dans ses nuits, les cauchemars d’expulsion sont réguliers,Si la justice avait des yeux, si la paix régnait en Syrie,Elle rêve en Syrien mais là pleure en français, J’aperçois Yana rapidement lorsque le feu passe au vert,J’ai un petit pincement au cœur, mais je suis en retard, j’accélère,Les plus grands drames sont sous nos yeux mais on est pressé, faut que ça bouge.Il y a des humains derrière les regards, j’ai croisé Yana au feu rouge. » Aujourd’hui le feu est vert. Arrêtons-nous !
Pour le Conseil d’administration du MRAX,Vincent Lurquin, Julie Ben Lakhal et Maximin Emagna (Coprésident-e-s du MRAX)