Vive bell hooks ! Vive la lutte !

Partagez cet article

Photo : Karjean Levine/Getty Images

Auteur : Martin Lamand

« C’est la structure même de nos vies quotidiennes qui a gravé dans nos consciences cette perception du tout, en nous dotant d’une vision du monde oppositionnelle – une façon de voir inconnue de la plupart de nos oppresseurs, qui nous a soutenus, qui nous a aidés dans notre combat pour surmonter la pauvreté et le désespoir, qui a renforcé notre perception de nous-mêmes et notre solidarité. »

« Les marges sont à la fois un site « imposé par les structures oppressives » mais aussi « un site de radicale possibilité, un espace de résistance »

Citations tirées de bell hooks, De la marge au centre – théorie féministe, 2017, Ed. Cambourakis, 304 p.

Gloria Jean Watkins est décédée ce 15 décembre 2021. Bell hooks, de son nom de plume, aura été une pionnière, une chercheuse, une activiste, un être d’amour et de force, d’un puissance d’action et de pensée hors du commun. Elle nous laissse ce pseudonyme, célèbre, sans majuscule, qui peut, peut-être, être considéré aussi comme le nom de ses accomplissements.

Bell hooks appartient à une lignée de femmes noires américaines (on peut penser aussi à Audre Lorde, Akasha Gloria Hull, Cheryl L. Clarke, Angela Davis, Barbara Smith, Margareth Sloan Hunther et bien d’autres) qui auront explosé tous les carcans de genre, de race, de classe, pour nous proposer à la fois une pensée politique, des oeuvres philosophiques, des poèmes, des actions militantes, etc. Un grand nombre de routes vers l’émancipation, en somme.

Et, comme pour la plupart d’entre elles, évidemment bell hooks est trop peu traduite en français, et ne l’a de plus été que tardivement. Les éditions Cambourakis ont cependant entrepris il y a quelques années de remédier à ce problème, et l’on peut aujourd’hui trouver les traductions de deux de ses essais les plus importants : Ne suis-je pas une femme ? et De la marge au centre qui préfigurent ce qui sera nommé, plus tard, l’intersectionnalité, ainsi que de quelques autres ouvrages chez d’autres éditeurs .

Bell hooks a participé, notamment par ses textes, à renouveler profondément à la fois la pensée féministe et l’anti-racisme politique.

En plus d’avoir, interconnecté avant l’heure, et avec d’autres, les dominations sexistes, racistes et classistes bell hooks a aussi pris un temps considérable, et à la suite de Frantz Fanon, pour inscrire la lutte dans une éthique de l’amour en tant que moyen de nourrir l’action et la lutte.

Elle a, dans le prolongement de ses autres réflexions, porté une attention toute particulière aux méthodes d’enseignement, en s’inspirant des travaux de Paulo Freire pour proposer une « pédagogie engagée » méconnue chez nous mais tout à fait passionnante dans ses propositions et implications .

Pour tout cela et pour tout le reste, nous ne saurons jamais suffisamment la remercier ni lui rendre hommage.

Cependant, malgré l’engagement de centaines de millions de personnes au fil des années, malgré les luttes, malgré le travail effectué, l’ethnocentrisme est toujours là, le racisme, le sexisme, le capitalisme sévissent toujours. Le moins que nous puissions faire est donc de poursuivre le combat, en s’inspirant toujours de celles et ceux qui nous ont précédé pour le mener.

Vive bell hooks ! Vive la lutte !

« listen little sister
angels make their hope here
in these hills
follow me
I will guide you
careful now
no trespass
I will guide you
word for word
mouth for mouth
all the holy ones
embracing us
all our kin
making home here
renegade marooned
lawless fugitives
grace these mountains
we have earth to bind us
the covenant
between us
can never be broken
vows to live and let live »

« Appalachian Elegy (Section 6) », in Appalachian Elegy, bell hooks, 2012, University Press of Kentucky, 96p.

Inscrivez-vous !

Vous souhaitez être tenu au courant de nos actions ?