#RasonsLesCentresFermés – Article : Qu’est ce qu’un centre fermé ?

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Les centres fermés, ces prisons pour migrants …

« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sureté de sa personne ».
Article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme

1988 est une année phare, un tournant dans la politique migratoire belge. La détention administrative est dorénavant possible. Maintenus à l’ombre de tous regards et de toutes réactions, ce sont des milliers d’hommes et de femmes qui sont détenus chaque année dans ces centres fermés. Et plus récemment, on y retrouve également des enfants …

Mais que faut-il entendre par « centre fermé » ?

Au sens de la loi, il s’agit de « lieux déterminés, situés aux frontières ou à l’intérieur du royaume »[1] qui permettent de détenir trois catégories de personnes en attendant l’autorisation d’accéder au territoire ou leur expulsion. L’étranger refoulé, l’étranger en séjour illégal ou le demandeur d’asile sont enfermés pour une même raison : celle de ne pas disposer des documents nécessaires et valables pour entrer ou séjourner légalement sur le territoire belge. Néanmoins, il arrive que des personnes détenant un titre de séjour valable se retrouvent tout de même enfermées.

Au sens de la loi, un centre fermé ne peut être comparé à une prison. Cette tendance à minimiser la privation de liberté des personnes « étrangères » se ressent à plusieurs égards. Premièrement, dans les centres fermés, les personnes détenues sont présentées comme des « résidents » « retenus » dans un « centre de retour » ; termes également employés dans les textes législatifs et réglementaires visant à euphémiser la dure réalité carcérale des détenus. Deuxièmement, contrairement à une prison, un centre fermé ne dépend pas du Ministère de la Justice et n’est pas soumise aux règlements des prisons puisqu’elle a son propre arrêté royal. Enfin, les garanties procédurales contribuent à minimiser l’enfermement des personnes « étrangères ». Contrairement aux prisonniers dont l’enfermement repose sur une décision de justice, la détention des personnes en centre fermé relève de la décision d’une administration. En l’espèce, l’Office des Étrangers décide sur base d’un dossier écrit, sans qu’aucun examen n’ait été exercé par une juridiction indépendante pour juger de la légalité de la décision prise. Quant à leur libération, si les prisonniers ont connaissance d’une date, les détenus en centre fermé n’ont aucune échéance claire de sortie ni sur leur situation de façon générale.

Au-delà de toutes ces considérations, en réalité, un centre fermé est une prison, tant vu de l’extérieur que de l’intérieur. Parfois même, la vie en centre fermé peut s’avérer pire…

La dimension carcérale des bâtiments ne peut être niée. Si certains centres fermés sont de nouvelles constructions, d’autres sont en fait de simples prisons réaffectées – c’est notamment le cas du centre fermé de Bruges qui était l’ancienne prison pour femmes ainsi que du centre fermé de Merksplas, ancienne colonie pour vagabonds de Turnhout. Ainsi, tous présentent les mêmes caractéristiques : ils sont constitués d’un ensemble de corps de bâtiments et d’espaces à l’air libre, entourés de plusieurs enceintes clôturées – en général, par des grilles à petites mailles, rigides, de cinq mètres de haut accompagnés de fils barbelés.

Invisible pour les regards externes, l’intérieur des centres fermés est également pensé en fonction de l’exigence sécuritaire : les portes sont blindées, les fenêtres ont des barreaux, etc. Les détenus y sont « rangés » par ailes et par cellules (« chambres ») qui peuvent être fermées à clé par les surveillants. Ils n’y disposent que d’une liberté de mouvement et de rencontre très réduite. Les détenus sont soumis à des fouilles régulières, peuvent écoper de sanctions disciplinaires, peuvent être placés à l’isolement, des jours voire des semaines, dans des conditions aussi dégradantes que dans les prisons. Et surtout … à l’abris des regards, ils sont à la merci de l’arbitraire des leurs gardiens et du corps administratif qui les détiennent.

La vie en centre fermé n’est pas simple comme l’en attestent les nombreux témoignages. De nombreux cas de traitements inhumains et/ou dégradants ont été rapportés bien que les preuves soient extrêmement difficiles à faire valoir, étant donné la situation. Ces traitements poussent de nombreux détenus à entamer des grèves de la faim ou à tenter de mettre fin à leurs jours. Plusieurs de ces tentatives de suicide ont déjà réussi. Quant aux grèves de la faim et aux autres mouvement de protestation, ils sont toujours réprimés lourdement. Certains, les « leaders » d’après l’administration, sont placés à l’isolement ou déplacés d’office vers d’autres ailes ou d’autres centres pour les isoler et casser les dynamiques collectives.

Ces lieux posent alors questions en termes de respect des droits humains …

[1] Article 74/5, §1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

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