Qui pue le plus fort : Racisme, âgisme ou mépris de classe ?

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Au début de la crise du Covid-19, c’est avec ahurissement que nous avions vu surgir, consterné.e.s par l’imbécillité de ces comportements, une flambée de racisme anti-asiatique. Aujourd’hui, c’est avec écœurement que nous constatons que c’est l’ensemble des personnes racisé.e.s qui sont une fois de plus exposé.e.s à la vindicte. Dans un premier temps ce furent surtout les jeunes et c’est maintenant l’ensemble des quartiers populaires qui sont montrés du doigt. Bref tou.te.s celleux qui sont considéré.e.s comme les parias du consensus national.

À l’unisson et largement répercutés dans les médias, certaines personnalités politiques de tout bord, mais évidemment surtout l’extrême-droite ont surfé sur l’indignation de ces nombreux « bon.ne.s citoyen.ne.s » qui, très vite se sont empressés d’appeler les forces de l’ordre pour dénoncer à qui mieux mieux les « trop nombreuses infractions au confinement ». Pas gênés par la surenchère, on a même vu des bourgmestres zélés appelant avec enthousiasme à la délation ! Très vite s’est construit tout un imaginaire matraqué à l’aide d’un discours consensuel rendant responsables les milieux populaires et les personnes racisées en les décrivant comme « indiscipliné.e.s », « inconscient.e.s » et « récalcitrant.e.s ».

Méfiance et défiance envers les classes populaires

Un minimum d’honnêteté aurait consisté à replacer ces comportements « déviants » dans le contexte social où les populations vivant dans ces quartiers sont sommées de s’infliger le confinement.

On aurait pu par exemple saluer le courage qu’il faut à des familles parfois nombreuses et déjà confrontées à de nombreuses difficultés socio-économiques pour s’enfermer toute la journée dans des logements trop exigus, parfois insalubres ou même précaires. S’attarder, ne fût-ce qu’un tout petit peu sur la sociologie de ces quartiers, aurait permis de constater que leur population paye d’ores et déjà un lourd tribut à ces bataillons de travailleurs/euses obligé.e.s d’aller vendre leur force de travail, souvent sans aucune protection et dans une dangereuse promiscuité, dans des entreprises non essentielles qui devraient être à l’arrêt mais qui continuent de tourner afin d’enrichir leurs actionnaires.

Dans ces quartiers vivent également en grand nombre tou.te.s celleux qui travaillent comme on dit à l’heure du Covid-19 « en première ligne » : tous les types de personnels qui travaillent dans la santé (hôpitaux) et les soins (maisons de repos, aide familiale), les travailleurs/euses et caissièr.e.s des supermarchés, les

épicier.e.s/boucher.e.s/boulanger.e.s de quartier, les conducteur/trices des transports en commun, les nettoyeurs/euses et les éboueurs/euses, les répondeurs/euses des callcenters, les chauffeurs/euses de taxi et uber, les livreurs/euses de repas, de colis et de marchandises, etc… Bref, tou.te.s ces invisibles aujourd’hui visibilisé.e.s par leur emploi dans le cadre du « travail reproductif »(1)On entend par “reproduction”, tout ce qui permet reproduire une force de travail intellectuelle, culturelle ou physique afin de vendre sa force de travail pour produire à nouveau (ou « créer » une nouvelle force de travail.. Et que dire alors de tou.te.s celleux qui (comme les personnes sans-papiers) sont obligé.e.s pour subsister de continuer à partir bosser tous les jours la peur au ventre dans l’économie informelle, sans contrat, sans chômage temporaire, sans prime de risque ? Mais non, les « chiens de garde » préfèrent nous ressortir le refrain habituel de la classe dominante : « Il faut surveiller et punir » ! Et dans les medias, il n’est plus question que de ces « jeunes » racisé.es « des quartiers », en « décrochage/exclusion scolaire » ou « au chômage », qui se rassemblent dans les parcs publics…

Surveiller et punir

On a beaucoup parlé des pouvoirs spéciaux pour lutter contre la pandémie et prendre les mesures socio-économiques adéquates mais beaucoup moins de la question du contrôle des droits individuels et du droit au travail. « Si les citoyens ont, dans l’ensemble, bien compris le message, certains semblent ne pas vouloir comprendre alors même que les infos passent par tous les canaux possibles et imaginables, dans toutes les langues, via la presse, la télévision, les réseaux sociaux, tracts, affiches, courriers, mégaphones, dans les quartiers mêmes de manière orale… Maintenant, nous sommes contraints d’ajouter à la prévention, des moyens punitifs » a déclaré la Bourgmestre Défi de Schaerbeek, Cécile Jodogne. « Les sanctions administratives, c’est un peu la cavalerie légère du contrôle des comportements /…/ Nous sommes dans une situation où il faut très rapidement menacer de sanction plus lourde qu’une simple injonction et je pense que c’est un instrument de plus à disposition des communes pour faire respecter les règles » confie Charles Picqué, bourgmestre PS de Saint-Gilles.

Aussitôt dit, aussitôt fait, la zone de police Bruxelles Nord (Schaerbeek, Evere, SaintJosse) annonce qu’elle a déjà infligé en moins d’une semaine, 572 Sanctions Administratives Communales (SAC) à l’encontre de particuliers à partir de 14 ans qui ne respectaient pas les mesures et les injonctions policières dans l’espace public. Sur l’arrondissement du parquet de Mons-Tournai, c’est essentiellement la voie pénale (plutôt que les SAC) qui a été choisie dès le départ. Depuis le début du confinement, environ 1500 PV (au moment où ces lignes ont été écrites) ont été rédigés par les 14 zones de police de l’arrondissement. Après un flottement de quelques jours, lorsque le Collège des procureurs généraux a estimé que ces infractions n’étaient pas reprises dans la loi des SACs, le gouvernement a validé, ce samedi 4 avril, parmi ces neuf projets d’Arrêtés Royaux la « régularisation » et l’uniformisation des SACs à celleux qui ne respectent pas les règles de confinement décrétées par le gouvernement.

Les amendes s’élèveront à 250€ euros pour un.e adulte (350€ en cas de récidive) et 100 euros pour un.e mineur.e (175€ pour une 2ème° infraction) – alors que les SAC n’étaient actuellement passibles que d’une amende de 50 euros, avec une perception immédiate des amendes. Montant qui représente entre 20% et 40% des revenus mensuel d’une famille mono-parentale et/ou pauvre de Bruxelles. Le gouvernement aurait pour objectif de précariser d’avantage ces familles qu’il ne s’y prendrait pas autrement(2)Néanmoins, n’oublions pas que nous vous pouvons toujours contester et intenter un recours contre les SACs devant les tribunaux de la Jeunesse pour les mineurs ou de police pour les majeurs..

Evidemment, la police – qui a encore récemment été sur la sellette pour son profilage ethnique – cible les contrôles dans les quartiers et les parcs fréquentés par les familles de personnes racisées et/ou travailleuses. Mais qui, dans ces quartiers, peut encore faire confiance à une police qui est régulièrement dénoncée pour ses dérapages lors de ces contrôles (Injures racistes ou accusation systématique de mensonges quand les victimes de violences policières essayent de se justifier) ? Avant la pandémie, les contrôles, les amendes (les SACs) et les violences policières étaient déjà légion. Alors pourquoi cela changerait-il à l’heure du Covid-19 ? Car si le confinement se vit sans trop de difficultés dans les quartiers résidentiels (où les plus riches trouvent même dans le confinement l’opportunité de philosopher au jardin sur le sens de la vie et l’avenir de la planète !), c’est une toute autre affaire pour celleux qui vivent enfermé.e.s dans de petits appartements, sans balcon ni jardin et qui affrontent le confinement économique, social et culturel toute l’année !

Masquer ses errements criminels et préparer le déconfinement

Alors oui, les habitant.e.s des quartiers populaires se croisent sans doute de trop près dans les rues et les espaces publics. Et oui, ils sont nerveux et manquent parfois de respect aux « représentants de l’ordre »… qui « représentent » pour elleux l’ordre imposé par L’Etat et son gouvernement Wilmès ! Ce gouvernement qui, par ses injonctions contradictoires, impose d’un côté le confinement et de l’autre, élargit sa liste des établissements et activités pouvant/devant continuer à fonctionner pour sauver le système capitaliste. Qui continue à dire que les masques ne sont pas indispensables pour masquer son incurie… Et comme dans ces quartiers vivent les travailleurs/euses, les précaires et intérimaires qui continuent de travailler en mettant leur santé et celle de leurs familles en danger mais aussi tou.te.s celleux qui ont perdu leur emploi sans avoir droit aux allocations de chômage/ du CPAS ou leurs petits boulots payés au noir (par exemple : les personnes sans-papiers et les étudiant.es qui travaillent pour payer leur étude), oui, la situation pourrait y devenir explosive…

Certains media essayent déjà de se racheter une conduite : le nombre d’images montrant les personnes racisé.e.s au travail, augmente dans nos JT’s ces derniers jours… la ligne de démarcation passe désormais entre les héro.ïne.s, les courageux/euses travailleurs/euses et la « racaille livrée à l’oisiveté » alors que la sacro-sainte économie s’effondre. Mais ne nous leurrons pas, la résurgence d’un discours raciste, anti-jeunes et marqué par le mépris de classe arrive pile poil à l’heure où il faut détourner l’attention du défaut de prévoyance, des manquements criminels de nos gouvernants et de la faillite lamentable de leurs politiques antisociales, urbaines, de santé, d’éducation et d’environnement pour préparer un « déconfinement » qui signifie pour la classe dominante le retour à la fois à l’ordre, au travail… et au Business as usual!

Qui pue le plus fort : Racisme, âgisme ou mépris de classe ?

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