Lettre aux sénateurs et sénatrices

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Débats en cours sur la répression de la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide arménien commis de 1915 à 1917 par l’Empire ottoman.

 

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

La loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale est essentielle dans la lutte contre le racisme.

Pour la principale et plus ancienne organisation antiraciste belge que nous sommes et qui est d’ailleurs née à la suite du génocide nazi, cette loi est une arme indispensable contre celles et ceux qui insultent notre mémoire collective pour notamment attiser l’antisémitisme dans notre société.

Aussi, c’est avec un grand enthousiasme que nous avons noté la volonté de la Ministre de la Justice d’étendre le champ d’application de cet outil législatif pour rencontrer les autres génocides perpétrés dans le monde et dans l’histoire. Précisément, cette volonté s’est exprimée par un projet de loi que la Chambre des Représentants a adopté le 21 avril dernier et qui entend punir celle ou celui qui nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou approuve le génocide ou les crimes contre l’humanité, tels que définis par le droit international et reconnus comme tels par une décision passée en force de chose jugée de tout tribunal international dont la juridiction a été reconnue par la Belgique, par le Conseil de Sécurité ou l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies ou par une décision passée en force de chose jugée d’une juridiction belge ou d’un autre État membre de l’Union européenne.

Si cette formulation nous réjouit par son ouverture, elle nous inquiète cependant au sujet d’un cas bien précis : le génocide arménien. En effet, le génocide arménien, pourtant reconnu par la Belgique notamment grâce à une résolution que votre haute assemblée elle-même a adoptée en 1998, n’est rencontré par aucune desdits cinq hypothèses formulées.

Cela nous préoccupe à l’heure où, malgré le 90ème anniversaire du génocide arménien commis dès le 24 avril 1915 par l’Empire ottoman, certain-e-s de nos concitoyen-ne-s continuent à justifier, minimiser ou même nier cette terrible atteinte à l’humanité, savamment réalisée à partir de critères ethniques et religieux. L’exemple le plus caricatural est la somme des pressions et des appels régulièrement formulés pour supprimer le monument dressé en hommage aux victimes du génocide arménien à Ixelles.

Dans le débat qui s’ouvre aujourd’hui au Sénat grâce à l’évocation du projet de loi par une dizaine d’entre vous, nous espérons donc que vous entendrez notre crainte en ce que toute confusion ou manque de clarté ne serve ces activistes de l’amnésie. Fût- ce par souci de pédagogie citoyenne, le législateur doit veiller à ne laisser aucun doute, ni aucune ambiguïté sur l’application de la future loi dans notre pays au génocide arménien. Dans le cas contraire, vous n’empêcherez pas que la société considère nos concitoyen-ne-s arménien-ne-s ou d’origine arménienne comme des citoyen-ne-s de seconde zone.

A l’occasion d’une proposition de résolution du 5 juillet 2004 relative à la résurgence de l’antisémitisme en Belgique, déposée au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale hier et du projet de loi dont question aujourd’hui, le M.R.A.X. attire sans relâche l’attention des élu-e-s pour ne pas suggérer une hiérarchie entre les diverses victimes de racisme (celles dont la négation du génocide est punie et d’autres pas), et, par là même, une incitation à la concurrence entre elles.

En toute logique, nous vous prions donc de ne pas suggérer une hiérarchie entre les divers comportements négationnistes (ceux dont la négation du génocide est punie et d’autres pas).

Nous restons bien entendu à votre disposition pour évoquer plus profondément les réflexions brièvement ci-exposées.

En vous remerciant à nouveau pour votre démarche, je vous prie de croire, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, en l’assurance de ma considération distinguée.

Radouane BOUHLAL, Président du MRAX

 

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