Le 21 avril 2016 étaient inaugurés deux nouveaux « Pavés de la Mémoire » dans les rues de Schaerbeek et de Saint-Josse en souvenir de deux « enfants d’Izieu », Nina Aronowicz et Paulette Heber déportées en 1944 dans des camps de concentration nazis. Nina et Paulette originaires des deux communes bruxelloises et 42 autres enfants originaires de toute l’Europe, réfugiés dans une colonie de vacances à Izieu dans l’Ain, non loin de Lyon, ont été victimes d’une rafle de la Gestapo le 6 avril 1944. Le Président du MRAX, Carlos Crespo, a l’honneur de co-parrainer la pose du Pavé de Paulette Heber, voici son discours prononcé à cette occasion :
Paulette Heber est née à Bruxelles de parents polonais en des temps particulièrement troublés. Les vicissitudes dramatiques de l’époque marquèrent rapidement au fer rouge le destin de sa famille. En mai 1940, pour fuir l’invasion allemande, Paulette quitte la maison familiale de Saint-Josse et se réfugie avec ses parents dans la France de la débâcle qui allait bientôt devenir l’État français de la Collaboration. Son père, arrêté par une police à la solde de l’occupant nazi, finira ses jours à Auschwitz. Après un passage par la maison d’Izieu, la petite Paulette survivra heureusement à l’Europe exterminatrice des années quarante contrairement à d’autres enfants dont les courtes vies furent bien vite consumées dans cet enfer.
C’est un immense honneur pour moi d’être co-parrain de ce pavé de la mémoire. Tout d’abord, pour ce que représente aujourd’hui de m’adresser à vous. J’ai le plaisir de présider le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie, organisation fondée par des Résistants juif communistes. À chaque parole, à chaque acte qu’il me revient de poser en tant que Président du MRAX, je m’efforce humblement de marcher sur les pas d’Yvonne Jospa qui fonda notre organisation et la marqua de son empreinte. Je suis également honoré d’accepter le co-parrainage pour ce que je suis, un enfant de l’immigration dont l’arrière-grand-père est mort dans un camp de concentration.
Chez nous, les génocidaires et leurs complices n’auront jamais leurs raisons et les excuses adressées aux victimes et à leurs familles ne seront jamais gratuites!
À l’évocation de cette dernière phrase, je mesure une nouvelle fois l’ampleur du défi. Il est essentiel de promouvoir, à tous les niveaux de la société, le travail de mémoire, par respect pour les victimes, en hommage aux survivants, mais aussi et surtout pour déconstruire la haine de l’autre chez nos nouvelles générations.
Quand on sait qu’en 2016 en Belgique, un jeune élève juif doit changer d’école parce que la direction de l’établissement ne peut gérer l’agressivité et l’hostilité que ses condisciples ont pu développer à son égard, cela donne une idée de l’enjeu actuel et de la propension de l’Histoire à bégayer!
Face aux vents contraires de la xénophobie dominante, nous aurions tort de baisser pavillon ! Évitons de succomber à la facilité de nous laisser porter par la marée raciste! Notre combativité ne peut en aucun cas s’étioler à l’appel des sirènes populistes. Face à ce qui semble être une forme de banalité du mal, notre capacité d’indignation doit rester intacte ! C’est une des conditions nécessaires au succès des antiracistes mais il y en d’autres…
En effet, le racisme est global et doit être combattu de manière globale. Penser le combat autrement c’est l’entamer avec des stratégies et des tactiques erronées qui mèneront à la division, division préalable à la défaite.
Je terminerai par une citation particulièrement évocatrice. Frantz Fanon s’adressant, à des minorités également victimes de racisme, disait fort justement : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. »