Le Ciré dénonce l’accord politique conclu entre le Ministre de l’Intérieur et le Ministre de l’Intégration Sociale relatif à l’arrestation aux fins d’éloignement des demandeurs d’asile déboutés résidant dans les centres d’accueil. Une fois de plus, nous dénonçons la confusion existant entre les missions d’accueil et d’éloignement. Au delà de cet accord, le Ciré dénonce également les choix politiques du Gouvernement belge en matière d’asile et d’accueil des demandeurs d’asile.
Nous demandons la dénonciation de l’accord conclu, parce qu’il ne respecte pas la séparation des missions d’accueil et d’éloignement.
L’accord entre les deux Ministres est le fruit de l’évaluation d’un protocole du même type, conclu dans le courant du mois de juillet, suite à la reprise des éloignements à partir des centres d’accueil par l’Office des Etrangers. Ce protocole avait été suspendu et ses auteurs renvoyés à leur copie, en raison des réactions vives qu’il avait provoquées.
L’actuel accord suscite encore ces mêmes réactions : Les centres d’accueil ont pour mission d’accueillir les demandeurs d’asile, et non de participer activement ou passivement à leur éloignement du territoire. Entamer ce principe brisera le climat de confiance devant prévaloir dans la relation entre le personnel des centres d’accueil. Non seulement le personnel du centre participe à l’organisation de l’éloignement par la transmission d’informations à l’Office des Etrangers, sur base desquelles il sélectionnera les personnes à éloigner , mais le personnel du centre devient aussi le « messager » de l’Office des Etrangers, lorsqu’il informe la personne concernée de la mesure d’éloignement qui va être prise à son égard. Pour des raisons de cohérence, la politique d’éloignement doit suivre une logique propre, et ne peut s’appuyer sur la mission d’accueil pour s’organiser. Non seulement, nous refusons que l’Office des Etrangers puisse « faire son marché » dans les centres d’accueil sur base de listes de résidants transmises via les communes, mais nous estimons que cette procédure ouvre une brèche non négligeable dans le cloisonnement des missions, et pourrait mener à des dérives importantes en terme de transmission d’information entre services.
En outre, on ne peut manquer de souligner encore le non respect par l’Etat belge du droit au recours effectif, et l’incohérence d’un système, dans lequel l’Etat « donne d’une main et reprend de l’autre » : Ce sont les demandeurs d’asile ayant introduit un recours au Conseil d’État qui sont visés par ces mesures d’éloignement. Pour rappel, ce recours donne droit à la poursuite de l’aide sociale dans les centres d’accueil mais ne suspend pas l’ordre de quitter le territoire et donc l’illégalité du séjour. L’Office des Etrangers s’appuyant sur cette illégalité du séjour expulse avant que le Conseil d’Etat ait rendu sa décision. Ceci revient à nier un principe fondamental de notre ordre juridique : le principe du droit au recours effectif qui commande qu’il soit statué sur le recours avant que toute mesure d’éloignement soit mise à exécution. Bien qu’ayant déjà été condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, l’Etat belge ne respecte toujours pas ce droit fondamental.
Enfin, nous questionnons également le sens de la reprise des opérations d’éloignement à partir des centres d’accueil. Cette politique a été volontairement mise de côté pendant deux ans. Elle reprend vie alors que le Gouvernement planche sur des projets de réforme de la procédure d’asile, ayant notamment pour objet de sortir de l’incohérence et de garantir un droit au recours effectif aux demandeurs d’asile en consacrant l’effet suspensif des procédures de recours.Nous ne comprenons pas que le Gouvernement soutienne le choix politique de l’Intérieur de « faire le ménage » dans les centres d’accueil avant que ces réformes, qui sont sur le métier depuis plus d’un an, aboutissent. Nous plaidons donc pour que le Gouvernement assume ses responsabilités en matière d’asile par le traitement effectif des recours pendants devant le Conseil d’Etat, dans le respect du droit à bénéficier d’une procédure de qualité, et non par une action musclée d’éloignement des demandeurs d’asile.