De la nécessité de bien distinguer l’essentiel de l’accessoire

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Le vendredi 24 mars, Mireille Knoll est assassinée à son domicile parisien. Elle était âgée de 85 ans. Deux suspects ont été mis en examen pour homicide volontaire à caractère antisémite. L’un deux était un des voisins. Ce meurtre est davantage qu’un simple fait divers.  Il démontre une fois encore que le racisme, aujourd’hui comme hier, en France comme ailleurs, peut tuer.

La charge symbolique de ce crime est d’autant plus forte qu’il se trouve que la victime est une rescapée de la Shoah. Ainsi à l’âge de 10 ans, Mireille Knoll avait réussi à échapper à la rafle du Vel « d’Hiv » en juillet 1942. Elle n’aura pu échapper deux fois à la haine criminelle nourrie de préjugés extrêmement délétères et concrétisée en une entreprise effroyablement déshumanisante. Cet acte monstrueux doit interroger l’effectivité des moyens que l’on se donne pour protéger les personnes issues de minorités honnies par d’aucuns qui les essentialisent comme entité nuisible, les désignent comme responsables de tous les maux sociétaux et finissent par jeter leurs vies en pâture à des assassins déséquilibrés ou endoctrinés. Il est également essentiel de retenir de cet assassinat, la mobilisation citoyenne en solidarité avec la victime et ses proches ainsi que la grande dignité de ceux-ci. Il convient de ne pas s’appesantir, car vile et même accessoire au vu de la gravité des faits, sur leur instrumentalisation institutionnelle et partisane par certains tristes sires.

Parce que les actes qui pourraient sembler, de prime abord, isolés s’inscrivent aussi dans un contexte global particulier, il est intéressant de faire le lien avec la situation politique en Hongrie. Le Premier Ministre Viktor Orban a été réélu le 8 avril dernier lors d’élections législatives qui ont vu son parti, le Fidesz, être conforté dans sa politique par les électeurs hongrois. Au pouvoir de manière ininterrompue depuis 2010, Orban pourra donc continuer à fouler aux pieds les principes démocratiques d’une Europe qu’il conçoit indiscutablement comme forteresse et qu’il rêve ethniquement et religieusement homogène. Son autoritarisme grandissant en même temps que ses attaques constantes à l’égard des musulmans, des réfugiés, des roms ou de la société civile transforme progressivement son pays en nouvel eldorado de l’extrême-droite mondiale. La nature profonde de son pouvoir se révèle également au travers de son affrontement public récurrent avec Georges Soros, milliardaire américain d’origine hongroise, coupable à ses yeux de vouloir encourager la Hongrie à accueillir des réfugiés. Le Premier Ministre n’hésite pas à avoir recours aux clichés antisémites les plus éculés pour dénoncer Soros devant ses partisans. Dans un discours le 15 mars dernier, il a eu cette funeste tirade qui a dû rappeler de biens horribles souvenirs aux descendants de la minorité juive hongroise décimée durant la seconde guerre mondiale : « Nous devons combattre un adversaire différent de nous. Son visage est caché, il n’agit pas franchement mais de façon furtive. Il n’est pas droit mais n’a aucun scrupule. Il n’est pas national mais international. Il ne croit pas au travail mais préfère spéculer. Il n’a pas de patrie, mais il croit que le monde entier est à lui. ».

La réélection de Viktor Orban n’a pas suscité un grand intérêt en Belgique malgré le fait que ce qu’il représente puisse dépasser les frontières hongroises. Il semble que notre capacité collective à s’indigner et à débattre sur la question des valeurs en cette période se soit presque exclusivement focalisée sur les réactions politiciennes fortes à un dirigeant politique fortement réactionnaire. Bien sûr, il convient de ne pas banaliser les propos attentatoires aux plus élémentaires principes d’égalité et de liberté. Les idées d’un parti, fusse-t-il franchement minoritaire, qui promeut des pratiques discriminatoires voire même ségrégationnistes à l’égard des femmes doivent être combattues sans concessions par tout démocrate qui se respecte. Toutefois, leur faire une publicité démesurée n’est peut-être pas la manière la plus efficace de mener ce combat légitime. Au MRAX, tout en dénonçant leurs idées, nous avons toujours évité de citer le plus possible tant certains dirigeants marginalisés que leurs propos qui le sont tout autant. Nous omettons généralement de répliquer aux prises de positions de certaines formations politiques à la recherche de notoriété qu’il s’agisse de micro-partis présidés par un escroc notoire, d’officines lepenistes assumées ou d’ersatz belges « d’Aube dorée ». Évidemment le combat pour l’émancipation de la femme demeure essentiel pour notre organisation. Conformément à ce qui fonde notre engagement et à notre objet social nous avons rappelé à l’occasion de la journée de la femme que les femmes migrantes était davantage exposées aux violences et qu’il fallait le dénoncer. Tout comme il faut dénoncer la brutalité dont ont été récemment victimes les participantes à une manifestation féministe à Bruxelles le 30 mars dernier ou la jeune femme voilée agressée sur la digue d’Ostende. D’autres mécanismes structurels plus insidieux comme la persistance de l’inégalité homme-femme au niveau salarial doivent également être dénoncés. La liste des injustices à dénoncer est longue tout comme la lutte pour les contrer le sera encore. Pour la mener efficacement, il ne faudra vraisemblablement pas trop compter sur ceux qui s’indignent un jour des propositions misogynes d’un parti qui compte deux conseillers communaux et qui félicitent le lendemain, pour sa victoire électorale, un Premier Ministre hongrois qui, outre sa politique xénophobe déjà évoquée, vient de faire inscrire dans les manuels scolaires que « les garçons et les filles n’ont pas les mêmes aptitudes intellectuelles ».  Ce n’est en tout cas pas ces lamentables opportunistes qui aideront à mieux distinguer l’essentiel de l’accessoire…

 

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