Ce nouvel état-des-lieux des centres fermés en Belgique fait écho et donne suite à celui qui avait été publié dix ans plus tôt, en octobre 2006, par un réseau d’associations. très similaire au collectif de rédaction du présent rapport. L’état des lieux de 2006 visait à permettre aux politiques et au grand public de prendre connaissance d’une certaine réalité des centres fermés, en faisant le point sur une série de problématiques telles que les aspects psycho-médico-sociaux de la détention ou encore la question des pressions et des violences vécues en détention. Ce rapport fut le déclencheur d’un processus qui conduisit le Parlement à commander au Médiateur fédéral un rapport d’audit sur le fonctionnement des centres fermés, rapport qui a formulé pas moins de 183 recommandations.
Dix ans plus tard, mise à part la sortie des enfants des centres fermés – avancée notable intervenue en 2008 grâce à la lutte du monde associatif –, très peu des recommandations émises en 2006 ont été mises en oeuvre. On assiste au contraire à une régression en termes de respect des droits, avec une recrudescence du nombre de
demandeurs d’asile en détention, la menace du retour des enfants dans les centres fermés, le déchirement de familles dont un membre se, retrouve enfermé puis expulsé et, surtout, la volonté d’augmenter un dispositif sur lequel très peu de regards critiques peuvent être portés. Nous souhaitons, à travers ce nouvel état des lieux des centres fermés, permettre au public de porter un regard autre, neuf, sur la réalité des lieux d’enfermement administratif en Belgique, loin des fantasmes médiatiques et politiques actuels.
Le présent état des lieux des centres fermés s’inspire de la structure du rapport de 2006 pour les parties descriptives (I) et statistiques (II),
ce qui permet de mettre en avant les quelques évolutions du dispositif au cours des dix dernières années. Les deux parties suivantes (III et IV) abordent quelques grandes problématiques de fond, considérées par le groupe Transit comme particulièrement prégnantes et préoccupantes. Parmi elles, ce sont les conditions d’arrestation des détenus et le contrôle de la détention, la séparation des familles et l’enfermement des demandeurs d’asile qui soulèvent le plus d’interrogations en termes de respect des droits fondamentaux et des textes qui les garantissent. Ces interrogations doivent être portées à la connaissance du public. Pour autant, cela ne signifie pas que les aspects médicaux et les violences, au coeur du précédent état des lieux, ont disparu. Malheureusement, bon nombre de constats faits en 2006 pourraient être remis à l’ordre du jour aujourd’hui. Les thèmes que nous avons choisi de développer dans le présent rapport sont ceux qui ont été identifiés comme les plus récurrents et marquants sur le terrain par les visiteurs.
Ce nouvel état des lieux comporte donc quatre parties.
La première décrit brièvement les centres, leur organisation et le climat qui y règne.
La deuxième présente les chiffres et statistiques de la détention. Les sources sont de deux ordres :
• les rapports officiels de l’Office des étrangers et des centres fermés : ils portent sur l’année 2014 ;
• les rapports de visites du groupe Transit : compilation des données recueillies pas nos visiteurs, accompagnées de commentaires et constats. Ces données de visites ont été recueillies tout au long de l’année 2015.
La troisième partie met en perspective la détention au regard des droits fondamentaux tels que définis dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme : la question de la séparation des familles, le respect des balises qui s’imposent à la privation de liberté et des procédures censées les garantir, l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. La quatrième partie traite, d’une part, de la détention des demandeurs d’asile et des procédures spécifiques liées à cette catégorie de
personnes ; et, d’autre part, du lien établi entre l’ordre public et la détention administrative, ainsi que des conséquences que peut avoir un problème d’ordre public – avéré ou présumé – pour un étranger.
Enfin, et au regard des nombreux constats soulevés dans ce rapport, nous formulons une série de recommandations à l’égard des décideurs politiques et de l’Office des étrangers, et ce, non sans questionner plus fondamentalement le bienfondé et la légitimité des centres fermés.
Donner à voir et partager ces observations, 10 ans après le premier état des lieux, a pour objectif de contribuer à porter un regard critique sur ces centres fermés, en vue de proposer un discours alternatif au discours dominant et de contribuer ainsi à ce que la dignité et les droits des personnes étrangères soient enfin respectés. Nous l’envisageons comme une contribution à la nécessaire réflexion des citoyens et à la complexification du débat, caractéristiques essentielles d’une société démocratique.
Découvrez le rapport « Centres fermés pour étrangers – état des lieux »