Le 22 septembre 1998, Semira Adamu, vingt ans, mourait étouffée sous un coussin, menottée et entravée, lors d’une expulsion forcée à l’aéroport de Zaventem. Elle fuyait un mariage forcé, elle cherchait la liberté et la dignité, mais elle a trouvé en Belgique la mort, sous les yeux indifférents d’un appareil d’État qui avait oublié l’humanité.
Vingt-sept ans plus tard, son nom résonne encore comme une blessure et un avertissement. Car Semira n’est pas une statistique dans les rapports officiels, elle n’est pas un « cas » dans les dossiers d’asile. Ce jour-là , ce n’est pas seulement une femme qui a été tuée. C’est un symbole qu’on a tenté d’étouffer : celui de toutes celles et ceux qui luttent pour vivre dignement. Elle était une femme, une fille, une sœur, une amie. Elle portait des rêves, une voix, une vie à construire. Et cette vie lui a été arrachée dans la violence et le silence.
Son combat vit encore. Il doit continuer
Parce que les centres fermés existent toujours. Parce que les expulsions se poursuivent.
Parce que des hommes, des femmes et des enfants sont encore traités comme des dossiers à éliminer, plutôt que comme des vies à protéger. Se souvenir de Semira, c’est refuser l’oubli. C’est dire haut et fort que les centres fermés ne sont pas des lieux neutres, mais des prisons pour des personnes dont le seul “crime” est de chercher refuge. C’est dénoncer des pratiques qui déshumanisent et mettent en danger. C’est surtout réaffirmer que nul ne devrait mourir pour avoir frappé à notre porte.
Semira nous oblige. Elle nous rappelle que derrière chaque politique migratoire, derrière chaque décision administrative, il y a des visages, des voix, des vies. Elle nous rappelle que la dignité humaine n’est pas négociable, qu’elle ne peut être étouffée par des procédures, des murs ou des coussins.
Vingt-sept ans plus tard, nous refusons l’oubli. Nous refusons la résignation. Le cri de Semira ne s’est pas tu. Il traverse le temps, il traverse nos luttes, et il nous commande d’agir.
Au MRAX, nous portons ce combat, avec toutes celles et ceux qui croient que la solidarité doit primer sur la peur, que l’accueil doit remplacer la violence, que la justice doit prévaloir sur l’arbitraire.
Aujourd’hui, nous appelons à ne jamais oublier Semira Adamu. Son nom est devenu un symbole. Mais au-delà du symbole, il y a une vie brisée, un cri étouffé. À nous de faire en sorte que ce cri continue de résonner dans nos consciences, pour que demain, aucune autre vie ne soit sacrifiée à la raison d’État.
Pour Semira. Pour toutes celles et ceux qui fuient. Pour que cela ne se répète jamais.
Dr Esther Kouablan
